4ième partie
Par Jacques Casimir (Pasteur D'Amoulio)
majac14@hotmail.com
Avant-propos : les 3 premiers cours ont rétabli les faits et prouvé à nos compatriotes la vérité sur leurs origines. Certains le digèrent très mal. La rumeur ancestrale n’est pas l’histoire. L’historien conséquent se doit d’apporter des preuves valables et vérifiables basées sur des archives et des documents à l’appui. Dans ce quatrième cours, nous allons démontrer et questionner l’origine de certains de nos compatriotes qui portent des patronymes italiens.
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Mario Brusa, Italien d'origine est directeur SOS Villages Enfants d'Haïti depuis 2011. |
Les historiens ont souvent évoqué le contingent polonais de l’expédition Leclerc qui alla pour mater la rébellion des esclaves à Saint-Domingue en 1802 et a finalement retourné les armes contre les armées de Napoléon en épousant la cause des insurgés. Ils ont aussi parlé du contingent allemand sans jamais mentionner les conscrits italiens de cette expédition. Après de longues recherches, nous avons formellement trouvé les traces de 156 d’entre eux qui faisaient partie de cette aventure militaire. Cette partie de notre histoire n'a jamais été révélée par les historiens, nous allons bientôt faire toute la lumière sur ces faits marquants de notre mémoire.
Qu’est-ce qui explique la présence d’Italiens dans l’expédition Leclerc ? Lors des deux conquêtes D'Italie de 1797 et de 1800, les armées de Napoléon ont occupé plusieurs villes d'Italie et ont ramené des prisonniers de guerre qui sont devenus les conscrits pour Saint-Domingue RÉF : Napoléon Bonaparte, Mémoires de Napoléon : la Campagne d'Italie 1796-1797 et 1800.
Voici un échantillonnage de noms de quelques italiens conscrits arrivés à Saint-Domingue en 1802 avec l'armée coloniale française que nous pouvons suivre les traces en Haïti jusqu’à aujourd’hui :
Gabriele Pétoia: soldat artisan cordonnier, Ettore Vitiello: soldat artisan cordonnier, Firmino Auxila: soldat brancardier, Giacinto Martino soldat brancardier, Paolo Mascari soldat éclaireur, Pietro Janini soldat d'infanterie.
Carlo Batroni soldat éclaireur,Giacinto Moravia, soldat d'infanterie première classe. L’histoire de ce contingent est très mal connue.1)Sources: Bibliothèque nationale de France indice de référence les préparatifs de l'expédition Leclerc 2) Sources: les archives militaires de Vincennes Voir les guerres coloniales de France-l"expédition Leclerc 1802.
Le journal L’œil de Port-au-Prince, publia dans ses rubriques du numéro d'octobre 1881 une hausse considérable de l'apport des Italiens dans le commerce et dans l'import-export en Haïti et s'est félicité de cette concurrence avec la communauté Syro libanaise plus dure en affaire et très réticent à faire crédit aux petits commerçants revendeurs. Sources: Monsieur Edouard Pinckombe Sénateur de la République d'Haïti, directeur gérant du journal l’œil. « Port-au-Prince (Haïti).
Vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe, une vague commerçante Italienne s’est abattue sur le pays. Voici un échantillonnage de l’établissement des commerçants italiens à travers le pays. En 1896, s'est établie au 143 rue Républicaine à Port-au-Prince une cordonnerie Italienne G B Petoia qui jouit d'une très bonne réputation, la compagnie n'utilise que du cuir et de bon matériaux, on y trouve un assortiment de chaussures de haute qualité. Est ce que ce G.B Pétoia est le descendant de Gabriele Petoia cité ci-devant comme artisan cordonnier arrivé à Saint-Domingue en 1802 avec l'expédition Leclerc ? La Famille Vitiello associée à la cordonnerie et à la vente de chaussures en Haïti. Est elle aussi descendante d'Ettore Vitiello soldat artisan cordonnier de l'expédition Leclerc? La Famille Janini qui tenait une boulangerie à Babiole un des cartiers de la capitale Haïtienne jusque dans les années 80, est-elle aussi descendante de Pietro Janini arrivé lui aussi avec l'expédition Leclerc. Nous apporterons bientôt les réponses sur la généalogie de ces familles italiennes en Haiti dans un prochain cours.
Alfonso Lucchesi a installé son commerce au Cap Haïtien sur la rue F numéro 9 et 10, il est négociant exportateur de café vers l’Europe et les USA.
Paolo Prosperi, dit Paul, installa son commerce en 1897 sur la rue 1314 au Cap-haïtien boite postale numéro 102, importateur de matériaux de construction et exportateur de coton.
A.Santelli fonda au Cap Haïtien en 1912 la compagnie Santelli & Co. Importateur de tissus de linge, de produits alimentaires et il est exportateur de café, de miel, de bois précieux.
Antonio Schettini fonda en 1901 une maison de commerce d’importation de marchandises divers venant d’Europe, France Angleterre USA et Italie. Il a établi plus tard en 1904 une boulangerie très réputée dans la ville du Cap Haïtien.
Firmino N. Altieri Agent de la compagnie générale transatlantique au Cap Haïtien, établi dans cette ville depuis longtemps fonda en 1885 une maison de commerce qui importe directement des marchandises de toutes sortes d’Europe et des États-Unis et il exporte le sisal et les denrées les plus divers.
B. Lavitola Mastroti a établi en 1910 un grand magasin, il importe des bicyclettes des pièce et accessoires automobiles.On trouve encore aujourd’hui le patronyme Mastroti à Morne rouge dans les environs du Cap Haïtien 1) Sources : recensement de la chambre de commerce de la ville du Cap-haïtien voir les rapports de1901 à 1918 2) Sources: rapport présenté par Monsieur Barnave Dartiguenave Ministre de l'intérieur et des cultes (Publié en juin 1918 à Port-au-Prince Haiti)
Michel Giordani établit en 1896 à Fort liberté son commerce importe de produits alimentaires, de la toile et des marchandises variées et il exporte aussi le bois de campêche et achète à bon prix aux paysans les produits qu’il exporte.Il offre des conditions avantageuses à ses nombreux clients. Il est parmi les commerçants le plus respecté dans cette ville à l'époque. Il opère son commerce sur la raison sociale M Giordani & CO.
Aux Gonaives, on retrouve Pietro Batoroni dit Paul qui vend de la toile, il est aussi propriétaire d'un magasin de produits variés depuis 1918.
Les documents anciens de la chambre de commerce de Petit Goâve nous apportent une confirmation de la présence italienne dans cette ville. Domenico Bombace né à Maratea en Italie, fonda vers 1880 un commerce florissant sur la rue Fautin 1er à Petit Goâve, sa philanthropie est très appréciée par les citoyens de cette ville.Plus tard vers 1926 son fils Filippo Bombace a pris la relève et est devenu agent consulaire d'Italie à Petit Goâve, en cette même année, la compagnie Bombace a été reconnue pour avoir exporté le plus grand lot de café Haïtien vers les États-Unis et l'Europe. La Napoleoni & Co. installée à Petit Goâve en 1903 avec des succursales à Miragoâne et à Port-au prince dont le siège social est à Petit Goâve. En 1920 selon le bordereau des douanes, ce commerce a fait les meilleures affaires dans cette ville. 1)Sources : le journal L'Informateur Haïtien, publication numéro 25 Année 1918 par Justin Montas (Quotidien littéraire et commercial. Directeur Thos A. Vilmenay) 2) Source : bordereau des douanes du port de Petit-Goâve, rapport soumis au receveur général des douanes d'Haïti Monsieur A.J. Mamus (Port-au-Prince octobre 1920).Document des Archives Nationales d'Haiti.
À Jérémie, la présence italienne dans le commerce est aussi prouvée, le nom Martino et beaucoup d'autres noms étrangers ont été francisés ou changé pour des noms français en Haïti en 1809 suite à la décision arbitraire du président Alexandre Pétion de distribuer des terres aux anciens colons et aux anciens militaires français sans l'aval du parlement. Beaucoup ont voulu profité de cette mesure et ont francisé leurs noms. Exemples : Martino pour Martineau, Minollo pour Mineault, etc.
En 1903 Benjamin Martineau Descendant d'Italien est un commerçant bien connu et établi sur la place de Jérémie, il s'occupe d'importation et d'exportation et d'affaires bancaires. Plus tard, il fut juge pendant 12 ans au tribunal commercial de cette ville. Il est un des ancêtres des musiciens bien connus aujourd'hui en Haïti Robert Martineau et fils.1) RÉF: Alexandre Pétion, « Arrêté portant sur la répartition d’une certaine quantité de terre aux militaires en non-activité de service ( Port-au-Prince, le 30 décembre 1809) 2) Voir : le premier de notre série de 3 cours Titre : Alexandre Pétion: haute trahison.(Publication de janvier à avril 2017).
Jacmel: Considérée encore aujourd'hui comme la plus belle ville d'Haiti, là aussi on retrouve la présence d'une communauté d'origine italienne. Jerome Poggi,cet Italo Corse né à Tamino, fonda à Jacmel en1915 la maison Poggi. La compagnie emploie 150 personnes, la compagnie est spécialisée dans l'exportation du café et des fils de coton. Monsieur Poggi était père de 4 enfants natifs de Jacmel. On retrouve encore aujourd'hui la famille Poggi dans cette ville. Sources 1) Klebold Press 137-139 East 25th street New York City 1920
Les Cayes : dans cette troisième ville du pays, se trouve un grand nombre de gens de descendance et de patronyme italien: Antonio Larco que les archives de l'état civil relatent sa présence en 1821. Il a laissé une grande famille ses arrières arrières petits fils ont fondé la brasserie Larco qui a produit pendant des décennies le fameux Kola Larco.
A.Janini &Co.Cette compagnie est établie sur la rue du Quai aux Cayes était l'un des plus grandes de la ville à l'époque.
Une de ces familles les plus connue est : la famille Ferrandini qui était propriétaire de l’hôtel International établi depuis 1896 sur la rue de la Convention et dirigé par madame Venoe Ferrandini. De 1907 à 1920, l’hôtel fut la plus luxueuse d'Haïti.
En dehors des soldats du contingent italien, il y a eu beaucoup d'esclaves engagés italiens désœuvrés qui sont arrivés à Saint-Domingue, fuyant la misère et la famine en Italie au début du XIXe siècle. Une grande partie de ces réfugiés a fait route vers l'Amérique du Sud, au Brésil et principalement en Argentine. Contrairement aux communautés syriennes et libanaises des Caraïbes qui ne se marient pas et ne se mélangent pas aux populations locales que dans de très très rares cas. La communauté italienne d'Haiti s'est mélangée et est devenue pleinement haïtienne, c'est ce qui explique que l'on trouve aujourd'hui en Haiti des noirs avec des patronymes italiens qui ont un de leurs ancêtres Italien tout comme les Polonais d'Haiti.
Voici une de Preuve flagrante de l’intégration des Italiens en Haïti, en 1881 sous le gouvernement du président Lysius Félicité Salomon, on retrouve le citoyen Ultimo Sebastini petit fils d'immigrant italien comme secrétaire d'État des travaux publics et de l'agriculture. Réputé incorruptible, il était l'un des accusateurs de Frédérick Mevs pour vol, contrebande et abus des biens de l'état.1) Sources : voir nos deux cours primés par la critique Titre : L'affaire Mevs Publications du 2 mai et de 17 juin 2017) 2) RÉF: Auteur : Giusseppe Lucrezio Titre L'émigration italienne caractéristiques et tendances de base avec une référence particulière des vingt dernières années.(Rome juin 1967) 3) Voir notre cours, Le chemin des origines première partie cours No 1.
Les Altieri, Schetinni, Bombace, Martineau (Martino) Biambi, Auxila, Mascari, Giordani, Mastroti, Ferrandini, Barozzi,
Lucchesi,Sebastiani, Pralotto, Vitiello, Larco, Janini, Mara, Minollo, Santini, Crambo, Cambrone, Martelli, Mariotti, Venelli,
Prosperi, Batroni, Moravia, etc. sont des patronymes italiens très répandus encore aujourd'hui dans ce pays.
Les archives de l’hôtel International des Cayes, du Grand l'hôtel de France établi en 1914 sur la rue du Quai et Férou à proximité de la douane et du Warf de Port-au-Prince ayant pour propriétaire Pierre Paul Patrizi et l'hôtel New-York établi depuis 1915 sur la rue du Quai au milieu du cartier des affaires du Cap Haïtien dirigé par Madame Rosita Morales l'une des personnes les plus populaire de la ville à l'époque. Les consignes de ces trois hôtels vont nous renseigner sur le flux migratoire étranger en Haïti vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle que nous révélerons prochainement.
Au nom de tous nos lecteurs et étudiants, nous tenons à remercier ceux qui nous ont donné la possibilité de consulter les archives de la West Indies Trading Company de Port-au -Prince sur la période de 1879 à 1920.