Friday, August 24, 2007

Jérémie: Souvenirs & Réminiscences

Jérémie: Souvenirs et Réminiscences

 Par Dr. Carl Gilbert
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Dr Carl Gilbert







Jérémie, la cité des poètes, la ville du Nordé, des « Boulvari », des « boboris », autant de surnoms qui sautent à mon esprit quand on parle de ce patelin situé en amphithéâtre dans la baie de la Grand' Anse.

Vue en plongée de la ville de Jérémie 
Malgré la distance qui me sépare maintenant de cette communauté censée la cinquième  ville d'Haïti, cette ville où j'ai vu le jour, je ne peux pas effacer de ma mémoire, quand j'entends évoquer son nom, l'odeur du varech qui montait le soir de la profondeur de la mer battant le ciment dénudé du « warf », au cours de mes promenades en compagnie de mes amis.  Dans la lumière blafarde de la lune, nos yeux habitués à la demi-clarté des « black-out » partiels qui régnait sur la ville, pouvaient alors détecter la silhouette de Ti Simone, l'épave d'un navire qui connut dans les temps perdus les cruautés de la mer rendue furieuse par le Nordé.  Vent qui quand il soufflait faisait gronder ces eaux jusque dans leurs abysses mystérieuses où selon la légende résidait  la Sirène entourée des autres monstres marins. Ou qui donnait soudainement naissance à ces `boulvari', bouffées violentes, et intenses mais brèves qui emportaient tout sur leur passage et recouvraient la ville d'une couche blanche et poussiéreuse.

Vue partielle de quelques batiments autour de la place Dumas
Jérémie  est un nom qui évoque aussi dans ma mémoire les boboris chauds au goût de manioc, de hareng saure et de piment vendus au bas de Bordes, la saveur des « konparèts », des cassaves « royal »  des «  tablets rorolis »que nous dévorions à grandes dents au cours de nos promenades du samedi matin.  Jérémie c'est aussi la chanson des petits « restaveks », petits vendeurs de café grillé dont la chanson (men kafe griye men gwo konèt kafe griye) claire de voix enfantine allait en diapason avec l'Angélus  en provenance des cloches notoires de l'Eglise.  Tandis que l'aurore projetait ses lueurs imprécises sur le morne de l'Hôpital.

Le foyer culturel à la rue Abbé Huet
Je revois aussi dans ma mémoire l'image de la Pointe, dans les parages des Côtes-de-Fer, où les enfants endimanchés se rendaient pour sentir à nouveau dans l'air que berçait la brise l'odeur du sel marin, une senteur plus saine que celle du quai, alors que le vonvon de la brise du soir faisaient voler les jupes, découvrant des jambes innocentes de jeunes filles venues se balader avec leurs petits amis—dans des amours enfantines qui ne duraient qu'une ou deux semaines.

En entendant quelqu'un prononcer le mot Jérémie, je ne puis pas m'empêcher de songer à nos groupes d'amis réunis de manière régulière au coucher du soleil,  presque chaque samedi, sur la Place Dumas, alors que nous faisions tour après tour le tour de la Place, parlant de tout et de rien.  Je pense aussi à ces parties de Scrabble qui nous forçaient à trouver les mots les plus rares, sur la « galerie » des Jabouin de sorte que nous puissions compléter avec fierté ces parties des fois surchauffées, car le gagnant se donnait ainsi la réputation de celui qui connaissait le nombre le plus élevé de mots dans le Petit Larousse.

Les pipirites (radeaux en bambou) sur la rivière Grand-Anse,
 à l'entrée de Jérémie                                                                 
A l'évocation du nom de cette ville, je me souviens aussi de ce soir où les sirènes des voitures militaires s'étaient mises à hurler dans les rues, interrompant pour des dizaines de jeunes réunis  au Ciné Fox le spectacle du film le  Bossu de Rome, car le chef du district militaire, ce capitaine à l'air hautain et à la poitrine bombée,  avait voulu que les rues de la ville fussent désertées sur le champ parce qu'il devait emmener  des familles entières faites aussi de femmes, d'enfants et de nouveaux-nés à « l'abattoir » au Numéro Deux, dans un cortège lugubre, accompagné qu'il fut, ce capitaine, de certains personnages de la ville qui croyaient à la fois en Dieu et en Duvalier. Cet épisode est connu depuis lors sous le nom des « Vêpres jérémiennes  ».  Un épisode qui devait marquer cette ville à tout jamais, et qui depuis lors fait pleurer Jérémie.  La légende nous dit que chaque fois qu'on passe depuis lors dans les parages de Numéro Deux on entend toujours à l'orée des bois les cris des enfants qu'on égorgeait à la baïonnette et les voix suppliantes des femmes que ce groupe de criminels avait violées avant de les terrasser pour toujours.

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Dr Carl Gilbert
Mais il y a eu des épisodes moins douloureux, comme les souvenirs de matches de foot où Maurice Léonce était l'une de nos étoiles ; il y a eu aussi les processions religieuses au cours de la fête patronale de la Saint-Louis chaque 25 août, les randonnées dans les campagnes avec mon père qui se faisait un devoir de m'instiller l'amour de la terre et des plantes ; les promenades et les pique-niques jusqu'à l'Anse d'Azur … et tant d'autres moments joyeux passés en compagnie de mes parents et de mes amis dont certains sont éparpillés maintenant à travers le monde.

Malgré des années en dehors de ma ville natale, j'ai pas abandonné la mer


O Jérémie, je t'aime et je te porte toujours dans mon cœur !

Carl Gilbert (2016)




2 comments:

Anonymous said...

Herve & Carl ,

c'est avec une reelle emotion que j'ai lu vos souvenirs relatifs
à votre ville natale, je n'ai pu m'empecher de vous ecrire pour vous dire
que j'ai verse des larmes  à la lecture de votre texte...

j'espere n'voir jamais un jour à parler ainsi de mon Oyem natal
pcq contrainte à l'exil....à travers votre message je comprends mieux ce qu'endure les haitiens de la diaspora et je peux finalement   apprecier la chance qui m'est donnee de vivre chez moi.

Vous n'etes pas haineux ds vos propos malgré les tristes souvenirs concernant les massacres des femmes et enfants de jeremie.

Je terminerai mon propos en felicitant toute l'equipe de Haiticonnexion
vous au moins vous savez promouvoir Haiti, et c'est cette Haiti  que vous vantez avec tant d'amour, de passion,  que je compte decouvrir, c'est celle dont je veux que l'on parle  pas  de l'Haiti degradante devalorisante dont certains sites se font l'echo. vous me donnez l'envie et la force d'aller enfin visiter Haiti. Continuez à vendre votre pays et vous verrez qu'Haiti redeviendra LA PERLE DES ANTILLES.
Oui, on peut dire que vous etes amoureux ...amoureux de Jeremie, la ville qui vous a vu naitre

Hervé & Carl  je vous  souhaite de pouvoir un jour retourner à Jeremie et vous promener  dans les rues
comme vous le faisiez lorsque vous etiez enfant.
Merci pour ces moments .

Mondy
eyi_mondy@yahoo.fr  

haiti connexion network said...

Merci Mondy de tout coeur