De Jean-Bertrand Aristide à Michel Martelly, Le Nouvelliste a rencontré tous les présidents de la République de ces dernières années pour des entretiens. Les démocratiquement élus, comme ceux qui sont arrivés au pouvoir par un accident de l’histoire, ont tous ouvert un jour leur porte aux envoyés du vieux journal de la rue Centre. Michel Martelly, le lundi 15 juin,a lâché des confidences à deux journalistes.
« Depuis décembre 2014, j’avais dit à Laurent Lamothe qu’il ne serait pas mon candidat, qu’il n’était pas souhaitable qu’il soit candidat à la présidence. J’avais dit la même chose à Sophia Martelly, ma femme », nous a déclaré le chef de l’Etat. D'ailleurs Martelly avoue que Joseph Lambert, Youri Latortue, Mario Dupuis ou Sandra Honoré connaissaient tous sa position sur la question.
Continuant sur le ton de la confidence, il a poursuivi : « Le jour où le Conseil électoral a rejeté la candidature de Sophia au Sénat, je ne lui ai dit ni bonjour ni bonsoir. Cela ne veut pas dire que je ne souhaitais pas qu’elle soit élue, mais pour la bonne marche des élections que le président que je suis se doit de réaliser, il n’était pas souhaitable que Laurent ou Sophia soit candidat ».
« L'objectif de Laurent Lamothe, candidat, est de devenir président, le mien est la tenue de bonnes élections ». « Sa k tonbe, yo tonbe. Sa k pase, yo pase », prône le président.
Plus loin, lors de cet entretien réalisé en ses bureaux au palais national, le président est revenu sur deux succès diplomatiques qu’il a portés sur les fonts baptismaux : le rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba et le dialogue en cours entre le Venezuela et les USA.
« La rue m’a porté au pouvoir, mais pas pour gérer les affaires de l’Etat dans la rue», a dit d’entrée de jeu Martelly quand on lui pose la question sur son rôle dans ces deux opérations de bons offices.
« Je n’ai jamais parlé de ces dossiers. C’est un sénateur américain qui a dévoilé que j’ai servi d’intermédiaire dans le dossier USA-Cuba et c’est la ministre des Affaires étrangères du Venezuela, puis les officiels américains qui ont fait savoir au monde qu’il y avait eu lieu des négociations en Haïti », précise le président haïtien.
« Les pourparlers américano-vénézuéliens, je m’y suis impliqué en avertissant à l’avance les deux parties que je le faisais pour aboutir à des résultats et ce fut fait. Dans mes appartements au palais, samedi, il y a eu deux bilatérales et une trilatérale. A la fin, Haïti a pu aider au dialogue entre les USA et le Venezuela et obtenir que les US et le Venezuela coopèrent au service d’Haïti dans les domaines de l’éducation, des élections, de l’agriculture et de l’énergie », a confié l’ancien chanteur, non sans un peu de fierté dans la voix.
Nous n’avons pas seulement donné un local et des facilités pour les négociations, nous les avons orchestrées », se félicite le président haïtien. Lors de cette entrevue, la huitième accordée au Nouvelliste depuis qu’il s’était porté candidat à la présidence, Michel Martelly a convenu que cela lui a pris trois ans pour devenir président et qu’il se rend compte chaque jour des limites de son pouvoir. L’ancien chanteur a aussi témoigné des difficultés qu’il rencontre pour faire passer ses points de vue, que ce soit pour dire non aux trois aéroports en construction actuellement dans le Sud du pays ou pour faire voter une résolution allouant les fonds PetroCaribe.
« Cela m’a pris trois mois pour faire adopter la dernière résolution, car à chaque fois me retrouvais en conseil des ministres avec une liste de projets qui n’était pas celle sur laquelle nous nous étions entendus », explique celui qui préfère parler le moins souvent possible ces derniers temps où tout le monde autour de lui cherche un candidat à qui se raccrocher.
En froid avec Le Nouvelliste depuis l’épisode TV5 en novembre dernier, c’est un président Michel Martelly disposé à se confier que deux journalistes ont pu rencontrer pendant une heure, ce lundi. Un président qui a beaucoup à dire.
Frantz Duval
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