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Sunday, December 11, 2016

Les deux côtés de la médaille du régime Castro


2016/12/09 | Par Louis Duclos
L’auteur est un ex-député fédéral de Montmorency-Orléans (1974-1984)

Il faut convenir que la déclaration du premier ministre Trudeau au lendemain de l’annonce du décès de Fidel Castro était plutôt maladroite. Autant il était pertinent de saluer les progrès considérables de la société cubaine, notamment au chapitre de l’éducation et des soins de santé, pendant son long règne, autant il est regrettable qu’il ait passé sous silence le caractère dictatorial de son régime et son bilan peu glorieux en matière de respect des droits fondamentaux de ses concitoyens.

Cela étant dit, il est impératif de rappeler que le régime Castro s’est toujours retrouvé en mode d’autodéfense en raison de la menace constante de son renversement résultant d’un coup d’État fomenté par la CIA. D’ailleurs, l’invasion ratée de la baie des Cochons en avril 1961 illustre bien la volonté de l’impérialisme américain de liquider Fidel Castro et son régime par la force militaire avec la complicité des éléments les plus rétrogrades de la société cubaine.

On lui aurait ainsi fait subir le même sort que celui qui avait été réservé au président réformiste du Guatemala, Jacob Arbenz, en 1954 et qui fut  aussi celui du président chilien, Salvador Allende, en 1973.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de s’étonner que Fidel Castro ait été habité par un fort sentiment d’insécurité le portant à mettre à l’écart quiconque n’endossait pas aveuglément les diktats de son gouvernement. Il s’agit là de circonstances atténuantes qui ne rendent pas moins répréhensible la brutalité de son régime, mais qui, cependant, expliquent sans doute son comportement abusif à l’endroit des dissidents parmi ses concitoyens.

Cette controverse aura toutefois permis d’exposer au grand jour l’hypocrisie de la filière « trumpiste » canadienne qu’incarnent notamment les députés conservateurs Maxime Bernier et Gérard Deltell qui, après avoir accusé Justin Trudeau d’occulté le côté sombre du règne de Fidel Castro, ont eu recours au même procédé en fermant les yeux sur les importantes réformes réalisées par son gouvernement au bénéfice du peuple cubain.
Il faut vraiment être de mauvaise foi pour ne pas reconnaitre que Cuba constitue aujourd’hui un pays qui se distingue en raison du fort taux d’alphabétisation de sa population et aussi en raison de la qualité exceptionnelle de son système de soins de santé.

Ayant vécu quelques années en Amérique du sud au cours de la décennie 1960, je me souviens très bien de l’immense popularité dont jouissait Fidel Castro chez les moins bien nantis qui caressaient l’espoir que des chefs politiques de son calibre émergent dans leurs pays et entreprennent les réformes socio-économiques dont profitait déjà le peuple cubain, et ce, malgré l’étranglement de son économie par les politiques revanchardes de l’administration américaine.

Tout bien considéré, la question la plus pertinente que l’on puisse poser au sujet du bilan du régime Castro est la suivante: que serait Cuba aujourd’hui si ce pays n’avait pas connu la révolution castriste ? Il est plus que probable que Cuba serait une réplique de ce qu’il était sous le régime Batista des années 1950, c’est à dire que le peuple cubain serait encore peu scolarisé, que son système de santé serait toujours très rudimentaire, que la mendicité y serait encore fort répandue, qu’il serait comme autrefois le bordel des Américains et surtout que son peuple n’afficherait pas la dignité qu’on lui connait aujourd’hui.



Sunday, March 13, 2016

Le Canada lorgne Haïti pour son retour

Aide ou occupation?
Le Devoir affirmait mercredi qu’Ottawa étudiait l’idée de prendre le relais du Brésil à la tête de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Il y aurait, à notre avis, mieux à faire pour contribuer au développement d’Haïti que d’y envoyer en masse nos Casques bleus.

Ottawa n’a pas encore tranché, mais déciderait-il d’investir l’île de ses Casques bleus que nous jugerions l’initiative mal avisée. Le fait est que la MINUSTAH, créée dans la foulée du renversement de Jean-Bertrand Aristide en février 2004, est devenue avec le temps une force d’occupation ou, du moins, perçue comme telle par beaucoup d’Haïtiens. Ce qu’il serait extraordinaire d’entendre Justin Trudeau dire aujourd’hui, c’est que le Canada a commis une erreur grave en appuyant l’éviction d’Aristide par les États-Unis. On peut toujours rêver. Le renversement du gouvernement d’Aristide n’a pas rendu service au peuple haïtien ; il a servi les intérêts de l’oligarchie locale, des anciens militaires et des néoduvaliéristes.


Que des enjeux de sécurité se posent encore, c’est l’évidence. Que la classe politique haïtienne cafouille épouvantablement — au point qu’a été reporté deux fois le second tour de l’élection présidentielle sans qu’on sache très bien quand il pourra finalement se tenir — et que l’État haïtien soit complètement dysfonctionnel, on en convient. Mais il ne faudrait pas que ces réalités nationales fassent oublier les responsabilités des pays étrangers (États-Unis, Canada, France) dans cet état de déliquescence politique, sociale et économique.

Il n’est pas exagéré de dire qu’Haïti est aujourd’hui dans une situation pire, plus corrompue et plus antidémocratique, qu’elle ne l’était quand Aristide a été chassé du pouvoir. Vrai que s’est produit l’effrayant séisme de janvier 2010, qui a fait plus de 200 000 morts. Comment néanmoins expliquer que, malgré les gigantesques ressources dont disposent tous ses « amis » internationaux qui disent voler à son secours et vouloir accompagner son développement, la société haïtienne ait si peu réussi à sortir la tête de l’eau ? Comment expliquer que, selon des informations récemment publiées par le Programme alimentaire mondial (PAM), Haïti traverse actuellement sa plus grave crise d’insécurité alimentaire depuis 2001 ?

Une partie de l’explication tient en ceci : sous le couvert de l’aide — d’une aide diachylon, au final — s’est installée une tutelle internationale qui empêche le peuple haïtien d’influencer son développement et de faire ses propres choix. Les manipulations qui ont donné lieu à l’élection de Michel Martelly à la présidence en 2011 et le cul-de-sac électoral dans lequel se trouve maintenant le pays en sont des preuves politiques.

Mais c’est aussi une tutelle qui s’inscrit dans le prolongement de l’assujettissement où se trouve Haïti depuis son indépendance, arrachée aux Français il y a 210 ans. Jamais ne lui a été donné le droit de respirer librement sur le plan économique.

Premier ministre Justin Trudeau
Le gouvernement de Justin Trudeau, premier ministre soi-disant progressiste, pourrait faire oeuvre utile en contribuant, par exemple, à humaniser le marché du travail haïtien. Lire à y défendre les droits syndicaux. Prenez le cas de Gildan, multinationale du textile fondée à Montréal. L’entreprise sous-traite depuis 2009 sa production de t-shirts aux Apaid, une famille duvaliériste de Port-au-Prince qui a soutenu Baby Doc en son temps, qui s’est opposée à Aristide et dont le lobby contre toute hausse du salaire minimum est obstiné. Si bien que les travailleuses du textile en Haïti, payées 5,61 $ par jour, sont les plus mal rémunérées au monde, après celles du Bangladesh et du Cambodge.

On est à des années-lumière de faire du travail un bien commun et un outil de développement démocratique, se tue à répéter le philosophe Alain Deneault. C’est vrai partout dans le monde. Ça l’est particulièrement dans un pays comme Haïti.

A suivre ...