S.D.B, Évêque Auxiliaire de Port-au-Prince 8Juin 2021.
Par: Père Jean-Miguel Auguste
La nouvelle de la mort de Mgr Ducange m'est parvenue tôt ce matin du 8 juin. Je le savais très malade, mais j'espérais un miracle. Il y a plus d'un mois environ, au cours d'une de nos conversations, je notais que Mgr toussait beaucoup pendant qu'il me disait être très fatigué. Je lui ai demandé s'il s’était fait tester à la Covid et pourquoi ne pas se rendre aux USA afin de se faire vacciner. Il m'a répondu qu'il n'entendait rien faire de la sorte parce qu'il buvait beaucoup de thé et, de sa voix caverneuse, ajouta : " Pè Miguel, Kovid pa touye Aysyen." Nous avions ri tous les deux. Mais, aujourd'hui, mes pleurs ont remplacé mes rires face à sa mort due aux complications respiratoires que provoque la Covid-19.
Mon émotion est vite chassée et remplacée par des interrogations sur la vie que mènent nos Prêtres en Haïti, où, sur le plan sanitaire, ils sont totalement démunis. Dans mes multiples conversations avec nombre d'entre eux, je réalise que, malgré leur position de leadership, plusieurs sont mal informés et non éduqués sur le danger réel que représente le Coronavirus et la facilité de transmission de ce virus et sa capacité énorme à tuer.
Que la mort prématurée de ce digne fils de St Jean Bosco, du Plateau Central, spécialement de la ville de Lascahobas, sert de réveil au clergé et à toute la population. La Covid-19 est bien chez nous. Elle n'épargne personne, ni riches ni pauvres, ni l'élite ni la masse, ni intellectuels ni ignorants, ni gens connus ni anonymes. Elle n'épargne ni les institutions, ni les professions, ni les Eglises, ni les écoles, ni les marchés, ni les péristyles, ni les transports en public, ni les athées ni les croyants ni les charismatiques...
Elle tue sournoisement et efficacement et n'est qu'à ses débuts. Lavez-vous les mains, portez le masque, respectez et observez la distanciation sociale. Ces gestes simples protègent et sauvent la vie. C'est un devoir chrétien et de charité de le faire.
Mes sympathies à tous ceux et celles qui ont perdu des proches, des parents, des amis et tous ceux et celles que le départ de Mgr Ducange affecte. Mais combien de Mgr Ducange, de Professeur Patrick Pompilus, d'Inspecteur Général Louis Delima Chéry, de Juge Me Edy Grevé, de Pasteur Emmanuel Sanon, de Roseline Pascal du BELVEDÈRE, de Dr Yolène Vaval Surrena, de Dr Lucien Jean Bernard, de Maxime Roumer, des Colonels Jacques Joachim et d'Edrick Léande, de Marie Marthe et de son mari Gérard Chalviré, de la ville des Cayes et d'autres Haïtiens et Haïtiennes anonymes, doivent mourir, avant que nos hommes et femmes politiques, les Églises et la Société Civile comprennent l'urgence de l'heure et prennent les mesures appropriées pour conjurer les crises sanitaires, économiques, sécuritaires et politiques que traverse et confronte actuellement le Pays?
Il est tard, bien proche de trop tard. La positivité de la maladie s'accroit, le nombre de morts augmente, les hôpitaux débordent et la transmissibilité se multiplie de manière exponentielle à travers toute la population sans exclusion. Si rien n'est fait immédiatement, nous compterons les morts par milliers dans nos villes et ce désastre sanitaire et humanitaire sera sans pareil dans notre histoire.
Quand la Nation est en péril et frise la désagrégation totale, tous les clivages et tous les différends doivent céder la place à la SOLIDARITÉ, à l'ENTENTE et à la COHÉSION pour sauver ce qui peut encore l’être. Tout en restant lucide, j'en appelle à la Bonne Volonté de tout notre Peuple. Cessons de boire l'alcool de la division et nous saouler de violence. Au nom du danger de l'hécatombe qui nous menace, mettons toute querelle et toute divergence politique et d'opinion sur le banc de touche, pour faire montre de grandeur d'âme et d'altruisme. Et, sous la direction des plus capables et des plus éclairés, des plus responsables et des plus honnêtes, faisons et transformons le danger commun d'oblitération de la nation, en occasion de réconciliation, en opportunités de vivre ensemble et de construction de cette Haïti prospère et moderne dans laquelle chacun pourra grandir et évoluer dans une société juste et égalitaire.
Aujourd'hui, nous faisons face à un ennemi commun et puissant qui ne tient pas compte de nos sensibilités ou de nos affiliations politiques et religieuses. Pour le combattre, le neutraliser et nous protéger, nous devons faire un front commun, sinon nous périrons tous et laisserons nos enfants orphelins, malheureux et misérables.
Mgr Ducange Sylvain, nous pleurons votre départ mais vous promettons que votre rêve d'une Haïti développée, où règnent la paix et la concorde, se poursuivra et se matérialisera. Que votre devise : "Caritas Christi Urget Nos" ce qui veut dire :" L'Amour du Christ nous presse (2 Cor. 5:10,) nous inspire pour que nos gestes, nos comportements, nos actions, nos paroles et nos décisions soient toujours inspirés et motivés par l'Amour de Dieu et le souci du bien commun! Un pour tous, tous pour un.
Comme au temps de Noé et du déluge, Seigneur envoie-nous donc ton signe de L'ARC-EN-CIEL pour nous rassurer que nous survivrons à cette pandémie et que ÇA VA ALLER MIEUX ET BIEN pour nous bientôt. Genèse 9, 8-13.
Notre Dame du PERPÉTUEL SECOURS priez pour nous, protégez Haïti et protégez le monde entier.
Père Jean-Miguel Auguste
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