Thursday, March 1, 2007

La reine soleil s'est levée à Jacmel

02-23-07

                          La reine soleil s'est levée à Jacmel


Un arsenal dantesque de clous, de tridents, de chaînes, de haches, de cordes, de masques monstrueux, de crânes brisés , de lances, de fouets traduisait la longue nuit lunaire et historique haïtienne , l'autre face du soleil,sa part d'ombre,à la fois séculaire et sacrée.

Le ministre de la Culture, au milieu, entre Mme Craan, le ministre Delatour et Jeane Raton du Comité de Carnaval de Jacmel devant la Bibliothèque municipale.

Samedi 10 janvier vers le milieu de la journée, l'équipe de Le Nouvelliste est arrivée dans une ville effervescente. Depuis Carrefour La Vallée, au niveau de l'Habitation Ridoré, elle constatait le dispositif de sécurité mis en place par la Police nationale. Des patrouilles Sri Lankais de Casques bleus accompagnés des agents de la PNH pratiquaient des fouilles systématiques.

Toutes les voitures étaient rigoureusement « inspectées » de même que les véhicules de transport public. Selon nos sources, le Chef de la Police, Mario Andresol, était venu à Jacmel en vue de mettre avec le Comité de Carnaval Soley Leve un efficace dispositif de sécurité pour la ville.

Depuis Carrefour Dufort, la Police haïtienne montrait sa présence dissuasive. A l'entrée de Jacmel, une unité des Scouts nationale d'Haïti, section Département du Sud-Est, manifestait son civisme en enlevant la poussière de la Route de l'Amitié sur les voitures. Comme l'a souligné un de nos reporters, « il faut montrer patte blanche pour être reçu à Jacmel ».


 

Une danseuse de la troupe de Ballet Nicole Lumarck. Le soleil éclatant dans sa robe levée.

(Photo: François Louis)

On s'activait ici et là. Les maisons se paraient pour la fête. La dernière touche était mise aux stands. On constatait déjà la différence avec ceux de Port-au-Prince. Les maisons de la ville servaient de support aux stands. Tandis qu'au Champ-de-Mars ils sont autonomes. La publicité commerciale est partagée à Jacmel entre l'Etat (Ministère du Tourisme) et le secteur privé (Voilà a semblé avoir gain de cause sur ses concurrents).


Homards, poissons, vin c'était aussi la fète de la table à Raymond-les-bains. (Photo: François Louis)

En attendant le grand spectacle, les visiteurs étaient allés se détendre à la plage Raymond-les Bains. Beaucoup d'habitués ont constaté les améliorations physiques de la plage. « Il reste beaucoup à faire, constate le Dr Jean Claude Compas qui vient de New-York. L'essentiel est de commencer par mettre sur pied un tourisme endogène. Cela peut générer des fonds. » M. Pierre Manigat Junior , sur la plage, pense que l'espace doit être mieux exploité tout en maintenant son caractère naturel.

Black Alex était aussi venu faire son petit tour à Raymond-les-Bains. Sur sa moto, il attirait tous les regards. Au milieu d'un millier de personnes qui festoyaient sur la plage ensoleillée, on pouvait remarquer Patrick D'meza et Emmanuel Jubusson, membres du Comité national du Carnaval. Entre un poisson frit et un verre de whisky, ils ont informé Le Nouvelliste que le docteur Claude Surena, responsable de la section Urgence et Secours du Comité, est dans la ville pour mieux planifier avec le Comité régional. M. Jubusson a une crainte : que la grande foule qui arrive à Jacmel ne fasse perdre la bonne vision du beau théâtre des rues.

En fait, la ville était très encombrée. Les hôtels affichaient complets et même les maisons privées ne pouvaient plus recevoir les visiteurs qui étaient prêts à payer 6.000 gourdes pour passer la nuit.

De Ouvè Lekò en 2006 à la verdure du pays et le rose de l'amour, la Troupe de Mme Lumark veut symboliser la renaissance du pays. (Photo: François Louis)

Le dimanche 11, on s'est levé très tôt. Des femmes balayaient les rues. On s'est rendu sur le site du carnaval. C'est l'avenue Barranquilla. Elle est entre l'intersection de la Rue de Conti et la Rue des Cayes et l'Avenue de la Liberté. Nous avons constaté que les stands les plus impressionnants sont ceux du Tourisme (ayant la forme d'un bateau de croisière) et de Voilà qui reprend le thème du soleil à coté de son signe (le V) distinctif.

Des banderoles ont été remarquées. Fondasyon Limyè lavi, BNC, Université Lumière, ONA, Ofatma n'ont pas manqué de diffuser à l'occasion des messages sociaux.

Les cérémonies officielles du Carnaval Soley Leve à Jacmel ont commencé vers 11h am. À la Bibliothèque nationale Roussan Camille. Il y aurait, a fait remarquer Madame Michaelle Craan, « un petit problème technique à l'Hôtel municipal ». C'est une ouverture à la bonne franquette, sans trop de pompe, ni officialité. Entre des couronnes de soleil et des chemises imprimées aux tournesol du peintre Van Gogh, des membres du comité national ont accompagné les ministres Daniel Elie (Culture) et Patrick Delatour (Tourisme) à la salle de la Bibliothèque.



La foule joyeuse et colorée vue du stand du Tourisme à l'avenue Barranquilla. (Photo: François Louis)

Le Comité du Carnaval de Jacmel était là. Edo Zeni, président d'honneur, Michelet Divers président, Mme Joane Raton et Michaelle Craan, Jean Robert Martinez respectivement relations publiques et membre. Le président du Comité informe que « Jacmel a un bureau de carnaval » qui se donne un délai de 8 (huit) moisde travail. Le ministre de la culture s'est dit félicité du « double chemin parcouru entre le comité et le maintien de la beauté du carnaval de Jacmel.

Pour sa part,le maire élu, M. Edo Zeni, a précisé que le carnaval « est l'affaire de la collectivité. » Le ministre du Tourisme a simplement lancé : « Et si l'on dansait, maintenant ! »

C'est avec Le Ballet du Sud-Est dirigé par Nicole Lumarque que la fête a commencé. Il était 1hpm. Mouvements, grâce, couleurs, gaîté et, au milieu de tout, le soleil comme la reine des lieux. On dansait le congo sur l'air de Caroline Acaau. Arc-en-ciel, serpent lumineux, giration du monde, tout était là. Mme. Lumarque nous a déclaré avoir pris 2 mois pour préparer cette éblouissante chorégraphie. Elle a mis en scène 30 danseurs. Elle dit qu'ils ont donné « de bons résultats ».

De 1h à 5 h.pm. le spectacle était exclusivement réservé à la culture haïtienne. Le groupe « Pay bannan » rappelait notre agriculture, les Danseurs de Carl plongeaient la mémoire collective dans les opacités et les chaînes de l'esclavage, le groupe La Passion de l'Homme montrait les douleurs du Christ dont la croix montrait les couleurs des USA, France, Canada. Au milieu de cette présentation de la culture profonde du pays, le char de Comme-il-faut détonnait un peu avec sa musique rap. Mais le cortège culturel se reprenait très vite avec les redoutables Charles-Oscars, les jambes de bois, les diables, les zombis et autres fantasmagories de l'imagerie populaire.

                                                     

Jolies  photos du carnaval 2007 de Jacmel, vous pouvez agrandir une photo en cliquant sur View Larger

L'imagination n'a pas manqué à ce théâtre païen. De la figuration de la production nationale à la présentation de monstres préhistoriques, tel un Jurassique Park haïtien, la ronde des avocats et autres commissaires affublés de vestes fatigués, la satire du mariage religieux, les caricatures de Languichatte, de Tonton Bicha et de Jesifra, les diables hybrides avec leurs ailes qui claquent, la lugubre procession des Guédé, les gestes langoureux des transsexuels, les Juifs errants, notre imaginaire nous a été présenté dans tous ses aspects.

Les thèmes à retenir sont : l'esclavage, la faune et la flore, le paradis naturel, l'univers marin, la production nationale, la technologie...Les diables ont eu la plus grande part dans cet espace où la lumière du soleil a joué le rôle d'acteur positif. L'allégorie de l'intégration de la technologie dans la tradition est timide et suspicieuse.

Un univers de « jugement dernier » où la conception judéo-chrétienne se marie au vodou donne une caractéristique particulière à ce défilé de masques qui montre aussi bien la force de l'artisanat jacmélien qu'un aspect important à développer dans la perspective des rentabilités prochaines du carnaval.

Dans une entrevue avec Michelet Divers, Président du Comité du Carnaval de Jacmel, il nous a affirmé que « des contacts sont déjà établis avec des économistes haïtiens pour voir la possibilité de rentabiliser le carnaval jacmélien à hauteur de 20 millions de gourdes l'année prochaine. »

Rencontré sur la Baranquilla enfiévrée, Le député de Pétion-Ville Steven Benoit a affirmé à Le Nouvelliste : « C'est maintenant la fête. Pas de note négative. Nous avons besoin pour l'instant l'entente sociale et l'apport de la diaspora. Après le carnaval, les choses sérieuses recommencent ! »

Entre Jacmel et Port-au-Prince, sur des questions de décaissements de fonds et sur autres sujets, c'est le grand dégel. Après ce « glasnost » la note à payer sera peut être lourde. Pour l'instant, parlementaires et ministres se donnent le coude à coude de la joyeuse fraternité.

A partir de 5hpm. Les bandes à pieds ont commencé à défiler. Après le passage de 68 groupes masqués, 12 bandes à pieds ont fait danser les carnavaleux. Si les instruments utilisés ont été les mêmes d'un groupe à l'autre, les couleurs étaient différentes et l'entrain dépendait du talent des musiciens. Parmi les 24 groupes présentés devant le Comité 12 ont été choisis.
Deux DJ et cinq groupes sonores les ont succédés. Les Dolphin's Band, Skasha Band, Family Rara, Ghetto Band, Fresh Band ont cédé la place à So Nice, Kreol la, Jouvenceaux, Invisibles, BMB ALL Stars, Valiè's et K-fé.

Le carnaval écologique a été un peu bousculé durant la nuit par les décibels.
La dernière bande à pieds « Bourara » est passée comme accablée par un char de Dj tonitruant.

Aux environs de minuit, l'avenue Barranquilla n'était plus un théâtre traditionnel de messages et de symboles. La foule, à l'attente des déhanchements dénoncés à la va-vite à Port-au-Prince par la Ministre à la Condition féminine, se donnait « à hanche joie » pour le plaisir du corps et l'oubli de ses contraintes douloureuses. Quand la Reine Soleil se lève à Jacmel, les interdits passent dans les coulisses. Et vivent tous les calumets de la paix !

Sources: Le Nouvelliste, Sakapfet.com 

hg

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