Thursday, August 6, 2015

Il y a 70 ans, le Japon se souvient de la première bombe nucléaire sur Hiroshima

Une vieille Japonaise s'en souvient 
Les cloches ont sonné et plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont recueillies, jeudi 6 août à 8 h 15 (1 h 15 du matin en France métropolitaine), à Hiroshima.

Soixante-dix ans plus tôt, le 6 août 1945, un B-29 baptisé Enola Gay, volant à haute altitude au-dessus de la ville, largua une bombe à uranium dotée d’une force destructrice équivalente à 16 kilotonnes de TNT, portant la température à 4 000 degrés au sol.

On estime à 140 000 le nombre de morts, au moment de l’impact puis ultérieurement, sous l’effet de l’irradiation. Trois jours plus tard, celle larguée à Nagasaki, le 9 août 1945, a tué quelque 74 000 personnes. Ces deux bombes ont mené à la capitulation sans condition du Japon impérial, le 15 août 1945, marquant le fin de la seconde guerre mondiale.

Des manifestants au park mémorial
Une foule de plus de 50 000 personnes s’est recueillie dans le parc mémorial de la paix de cette ville de 1,2 million d’habitants devenue un symbole du pacifisme. Son maire, Kazumi Matsui, a demandé la suppression des armes nucléaires, « le mal absolu », et la création de systèmes de sécurité qui ne dépendent pas de la puissance militaire. Il s’est adressé directement « aux leaders du monde », leur demandant « de venir dans les villes qui ont été bombardées, d’écouter les histoires des hibakusha et de connaître la réalité d’un bombardement nucléaire ».

Entouré des représentants de 100 pays, le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a également prononcé un plaidoyer contre l’arme nucléaire :

« En tant que seul pays frappé par l’arme atomique (…) nous avons pour mission de créer un monde sans arme nucléaire. Nous avons la responsabilité de faire comprendre l’inhumanité des armes nucléaires, à travers les générations et les frontières. »

Le chef du gouvernement a précisé que le Japon présenterait une nouvelle résolution destinée à abolir l’arme nucléaire à l’Assemblée générale de l’ONU cette année. Mais le même premier ministre veut faire voter des lois autorisant l’armée à participer à des conflits, pour la première fois depuis la seconde Guerre mondiale, ce qui lui vaut une hostilité croissante dans le pays.


Vue d' Hiroshima en 1946 , six mois  après le bombardement
La mission s’est passée sans encombre. Partis de l’aérodrome de Tinian (Îles Mariannes, océan Pacifique), le 6 août 1945 à 2 h 45, à bord d’un bombardier B-29, le colonel Paul Tibbets et ses hommes ont survolé Iwo Jima – où s’était déroulée quelques mois plus tôt l’une des batailles les plus terribles de la guerre du Pacifique –, puis poursuivi vers le nord avant d’apercevoir, peu après 8 heures, leur objectif : Hiroshima, un important centre industriel et portuaire du sud du Japon, jusque-là plutôt épargné par les terribles raids des forteresses volantes américaines.

L’avion, isolé, ne déclenche aucun tir de défense. A 8 h 15, il largue au-dessus de la ville une bombe de 4,5 tonnes surnommée « Little Boy », longue de 4,30 m et d’un diamètre de 76 cm, avant d’effectuer un virage de 158 degrés pour s’éloigner. Quarante-trois secondes plus tard, à 600 mètres d’altitude, l’engin explose. A l’éclair foudroyant succède une boule de feu d’un kilomètre de diamètre, puis une terrible onde de choc, qui secoue violemment le bombardier. En quelques secondes, une gigantesque colonne de fumée s’élève jusqu’à 12 000 mètres d’altitude. Terrifié, le capitaine Lewis s’écrie : « Mon Dieu, qu’avons-nous fait ? »

                        Il y a 70 ans la première bombe tombait sur Hiroshima


Au sol, une ville entière a cessé d’exister ; 75 000 personnes meurent sur le coup, 50 000 autres disparaîtront dans les semaines suivantes. L’explosion d’une seconde bombe au-dessus du port de Nagasaki, trois jours plus tard, a raison des dernières velléités de résistance japonaises. Le 15 août, l’empereur Hirohito lui-même annonce la reddition de l’empire.
Bouleversement des lois de la guerre
Ce que viennent de faire le colonel Tibbets et ses hommes ? Par la mise à feu et le largage d’une bombe à la puissance équivalant à 13 000 tonnes de TNT, ils viennent de bouleverser les lois de la guerre, abolissant des siècles de domination de la poudre à canon sur les champs de bataille pour ouvrir la terrifiante ère de l’atome. Une ère dominée par une arme tellement écrasante que la décision de son usage devient plus politique que stratégique : c’est le président américain Harry Truman lui-même, le 25 juillet, qui a pris la responsabilité d’envoyer Little Boy sur Hiroshima. Et c’est par une décision politique de son prédécesseur, Franklin D. Roosevelt, que la mobilisation scientifique aboutissant à la mise au point de la bombe A a été rendue possible.

En effet, le cataclysme d’Hiroshima est l’aboutissement d’un long cheminement commencé entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, par les travaux des Français Henri Becquerel puis Pierre et Marie Curie. En 1919, le Britannique Rutherford met en lumière les propriétés du proton, puis en 1938, un Allemand, Otto Hahn, réussit, en bombardant de neutrons des atomes d’uranium, à provoquer une fission de ces atomes, dégageant de nouveaux neutrons. Ce résultat rend théoriquement possible une « réaction en chaîne » susceptible de libérer une énergie inimaginable. En mars 1939, l’équipe française de Frédéric Joliot-Curie parvient à la déclencher. A partir de cette date, la mise au point d’une bombe d’un nouveau type devient envisageable.

S’engage alors, dans la communauté scientifique, une terrible course contre la montre. Trois physiciens européens réfugiés aux Etats-Unis, Enrico Fermi, Leo Szilard et Eugene Wigner, persuadent Albert Einstein d’alerter le président américain sur l’importance de la recherche nucléaire : que se produirait-il si l’Allemagne nazie acquérait la première ces armes d’un genre nouveau ? Le message est envoyé le 3 août 1939. La réponse arrive le 19 octobre, quand Roosevelt annonce la création d’un comité constitué de scientifiques et de militaires pour étudier « les possibilités de la suggestion [d’Einstein] concernant l’élément uranium ».
Démonstration de force face à l’URSS
Entre-temps, l’Europe entière est entrée en guerre. Deux ans plus tard, les Etats-Unis sont entraînés à leur tour dans la catastrophe. En 1942, Roosevelt passe à la vitesse supérieure et lance le projet Manhattan, confié au général Leslie Groves. Un chantier titanesque qui emploiera jusqu’à 150 000 personnes, de près ou de loin, pour un coût total de 2 milliards de dollars de l’époque. L’avance allemande est bientôt rattrapée : d’abord parce que Hitler, qui croyait plus aux potentialités des fusées qu’à une chimérique arme atomique, a tout sacrifié à la conception des futurs V1 et V2, ensuite parce que les persécutions du nazisme ont privé l’Allemagne de nombreux scientifiques, qui apporteront leur enthousiasme et leur génie au programme américain.
La préparation et l’assemblage des bombes sont confiés à une équipe dirigée par le physicien Robert Oppenheimer à Los Alamos, dans le désert du Nouveau-Mexique. C’est non loin de là, le 16 juillet 1945, qu’aura lieu la première explosion atomique de l’histoire. Le succès de l’expérience est si terrifiant que les concepteurs de la bombe eux-mêmes se prennent à douter : la guerre n’est-elle pas d’ores et déjà gagnée, et surtout qu’adviendrait-il d’un Etat ayant recours à de tels moyens de destruction ?

C’est à un politique qu’il revenait de trancher ce débat. Averti dès sa prise de fonctions, en avril 1945, qu’il allait bientôt se trouver en possession de « la chose la plus terrible jamais découverte, mais aussi la plus utile », Harry Truman ordonne le 25 juillet, en pleine conférence de Potsdam, que la bombe soit prête au plus tôt. Il décide de passer outre les vives réticences de militaires comme le général Dwight Eisenhower, commandant en chef des forces alliées, considérant l’effroyable coût humain d’une poursuite des combats conventionnels contre une armée japonaise fanatisée.
Sans doute avait-il également perçu l’intérêt stratégique d’une démonstration de force à destination de l’URSS, alors que se mettaient en place les éléments de la guerre froide. Souvent critiquée par la suite, la décision de Truman fait l’objet de très rares condamnations morales à chaud.

Quand, le 8 août 1945, Albert Camus, dans un éditorial de Combat, constate qu’« il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques », il se fait, sans le savoir, l’écho de l’effroi du général américain Thomas Farrell, qui, sidéré par l’explosion du 16 juillet, au Nouveau-Mexique, évoqua « un coup de tonnerre (…) qui nous révéla que nous étions de petits êtres blasphémateurs qui avaient osé toucher aux forces jusqu’alors réservées au Tout-Puissant ». Ce que Kenneth Bainbridge, directeur du test, avait commenté de façon nettement moins littéraire : « A partir de maintenant, nous sommes tous des fils de pute. »

Source : le Monde

Tuesday, August 4, 2015

L'aide de la Croix-Rouge américaine après le séisme: on n'y voit que du rouge

La Croix-rouge américaine toujours sur la selette concernant l'aide à Haiti

La Croix-Rouge américaine a répondu à temps cette semaine du 22 juillet 2015 aux questions du Congrès sur la façon dont elle a dépensé près d'un demi-milliard de dollars donnés après le tremblement de terre de 2010 en Haïti.
Toutefois elle ne veut pas que ces détails soient rendus publics.

Et le sénateur américain (Charles Grassley) qui a posé les questions n'est pas satisfait.
Charles Grassley
«Je dois encore avoir beaucoup plus de questions pour la Croix-Rouge", a déclaré le sénateur Charles Grassley dans un communiqué. «J'ai d'autres questions sur les chiffres des dépenses et [ je veux] comprendre comment est faite la totalisation des chiffres et pour les frais généraux à la Croix-Rouge et pour les organisations bénéficiaires. En outre, je voudrais voir plus de détails sur les résultats obtenus à partir de chacune des organisations partenaires."  a déclaré le sénateur Grasley…

Après avoir enlevé une tranche monétaire impartie aux frais généraux, la Croix-Rouge a fait accroire qu'une grande partie de l'argent avait été donnée à près de 50 autres groupes d'aide, les ONG,  pour faire le travail humanitaire en Haïti. Mais la Croix-Rouge veut le secret quant aux détails et a donc demandé au sénateur Grassley  de ne pas divulguer l'information. La Croix- rouge donnant comme raison que  ses contrats avec d'autres groupes  ne "nous permettent pas de divulguer les informations aux médias ou les bailleurs de fonds."

Sénateur Grassley s'interroge sur cet arrangement.

"Il est difficile de comprendre pourquoi la Croix-Rouge a conclu des contrats avec d'autres organisations stipulant que les détails de subventions ne peuvent être divulgués aux médias ou à des donateurs", a écrit Grassley dans sa déclaration. "Qui pousse à cette absence de divulgation, la Croix-Rouge ou les bénéficiaires ONG  de [ces] subventions? Quelle est la raison pour cela? Il est difficile de voir comment la divulgation des montants en dollars donnés par la Croix-Rouge pour les organisations individuelles et comment ces organisations ont dépensé l'argent pourrait nuire à qui que ce soit . Je m'attends à une explication. "

La Croix-Rouge américaine n'a pas répondu jusqu'au moment de la publication de cet article aux demandes de commentaires. On ne sait pas quand ou si les autres groupes vont autoriser la divulgation des informations complémentaires sur ce sujet brûlant.


La Croix-Rouge a fait parvenir une lettre à des médias intéressés à cette affaire. Toutefois cette lettre de la Croix-Rouge américaine semble soulever plus de questions.

C''est le cas de dire qu'on n'y voit que du ROUGE.
Dr Carl  Gilbert a recueilli ces informations et écrit ce bulletin pour Haiti Connexion Network

*Expression française: Voir rouge signifiant être en colère mais altérée ici par l'auteur qui met "du" devant "rouge" pour exprimer un mélange de colère et de confusion.

Monday, August 3, 2015

En insultant une seule femme à Miragoâne, Martelly a insulté toutes les femmes haitiennes

Qu'attendent toutes les organisations féminines pour dénoncer en grand nombre ce camouflet qui est infligé à toutes les femmes haitiennes, pilier de l'économie du pays? Dans un pays de droit, ce président ferait déjà l'objet de procédures légales menant à une censure voire une destitution. De plus ce soit-disant président s'en est pris à un homme au cours de cet incident, le menaçant de lui casser la gueule. 


Où sont les hommes et femmes dignes de cette nation, les autres officiels, les candidats? Qu'ont-ils à dire contre ce personnage qui est en train de dénigrer tout un peuple, toute une nation, et même toute une île en vertu de son incompétence vis à vis des déportations des migrants haïtiens? Les vomissures à leur visage ne sont-elles pas assez? Occupés certainement à aller à des "élections" pour se partager le gâteau alors que le pays s'enfonce de plus en plus dans l'abîme. (pour ne pas dire fosses d'aisance). 


Car cette dame insultée pourrait être la mère, l'épouse, la fille, la fiancée, la soeur, la cousine... de chacun d'entre nous...

Carl Gilbert



 En insultant une seule femme à Miragoâne, Martelly a insulté toutes les femmes haitiennes

Sunday, July 26, 2015

Un professeur Guadeloupéen présente les lacunes des juristes haïtiens.-

L' INUTILISÉ DROIT ADMINISTRATIF HAÏTIEN
Par: Jean Paul Flutter
 CHARGE DE COURS AU CENTRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS DE GUADELOUPE

Le droit administratif constitue une branche du système juridique national et plus particulièrement du droit public. Il désigne l’ensemble des règles qui s’appliquent à l’administration dans le cadre de son fonctionnement et dans ses rapports avec les particuliers. Ces règles tiennent leur originalité de leur caractère dérogatoire du droit privé et du fait qu’elles émanent en partie de la jurisprudence. Le droit administratif se caractérise donc principalement par son objet et par les règles particulières qui le constituent. En Haiti, pendant longtemps l'administration a été pour l'essentiel régie par le droit privé . Par ailleurs, c'était les tribunaux civils qui jugeaient les litiges de l'administration avec les particuliers . Le système juridique haïtien était en effet moniste. Le monisme est un système juridique dans lequel un ordre juridictionnel privé statue sur tous les litiges entre les particuliers et entre l'Administration publique et les administrés . En réalité dans ce système , l'administration était pratiquement libre car régnait la supériorité de l'état et de son administration vis à vis des particuliers . A partir de 1957, avec la constitution de 1964 principalement la situation commença à changer . Le principe de légalité pour l'action de l'administration commença à s'imposer et l'ont vit triompher le dualisme, système juridique dans lequel cohabitent un ordre juridictionnel pour les litiges entre particuliers et un ordre juridictionnel administratif appelé à trancher les conflits qui peuvent surgir entre l'Administration publique et les administrés . Ce processus s'accéléra avec les constitutions de 1983 et surtout de 1987 qui posèrent les fondements d'un droit administratif national autonome . Les deux ingrédients du droit administratif , le principe de légalité et l'existence d'un ordre juridictionnel propre sont présents en Haiti.

LE TRIOMPHE DU PRINCIPE DE LÉGALITÉ
Le principe de légalité peut se définir comme la soumission de l’administration au droit. Les sources de ce principe se sont progressivement diversifiées et son efficacité est assurée par le contrôle de légalité opéré par le juge administratif. Ce principe doit être compris dans le sens le plus large possible : sont visées l’ensemble des normes écrites ou non qui, au moment où une autorité administrative prend une décision s’imposent à elle. La violation du principe de légalité entraîne la censure des actes administratifs par le juge administratif lorsqu’ils sont l’objet d’un recours. 

La légalité a plusieurs facettes :

La légalité est tout d'abord constitutionnelle . Les actes administratifs doivent être conformes à la constitution qui est le sommet de la hiérarchie juridique .Selon la constitution, l'Administration Publique Haïtienne est l'instrument par lequel l'Etat concrétise ses missions et objectifs. Pour garantir sa rentabilité, elle doit être gérée avec honnêteté et efficacité. Elle est constituée de l'Administration d'État, des organismes publics indépendants et de l'Administration des collectivités territoriales. Il est admis que la Constitution est la source première du principe de hiérarchie des normes. Ce principe trouve généralement son fondement juridique dans la Constitution . Cependant , si on cherche les termes « hiérarchie des normes juridiques » dans la Constitution de 1987, on ne les retrouvera point. En effet , le texte constitutionnel ne fait pas textuellement référence au principe de la hiérarchie des normes juridiques. Néanmoins, ce principe est consacré implicitement dans la Constitution. Cette suprématie est garantie par un contrôle de constitutionnalité, c’est-à-dire, une vérification de conformité ou tout au moins de compatibilité des normes inférieures à la Constitution. Cette hiérarchie n’a de sens que si son respect est contrôlé par un juge. En d’autres termes, le principe est mis en œuvre par un contrôle de conformité. La constitution prévoit un conseil constitutionnel n'a toujours pas été mis en place. S'applique donc l’ancien article 183 de la Constitution qui reste encore en vigeur : « La Cour de Cassation à l’occasion d’un litige et sur le renvoi qui lui en est fait, se prononce en sections réunies sur l’inconstitutionnalité des lois » .

La deuxième composante de la légalité est le droit international. La décision administrative doit être conforme au droit international. La Constitution de 1987 en son article 276-2, dispose que « Les traités ou accords internationaux, une fois sanctionnés et ratifiés dans les formes prévues par la Constitution, font partie de la législation nationale et abrogent toutes les lois qui leur sont contraires. » Elle accorde donc aux traités ou accords internationaux une valeur juridique égale à la norme législative. Le droit international occupe donc une place très importante dans le droit haïtien . Selon la doctrine et la jurisprudence internationales, le traité est supérieur à la norme interne, y compris à la Constitution. Le fondement de cette suprématie a été énoncé par le Pr Virally en ces termes : « Tout ordre juridique s’affirme supérieur à ses sujets ou bien il ne l’est pas. Le droit international n’est concevable que supérieur aux États et à ses sujets. Nier sa supériorité revient à nier son existence ». Le juge international semble avoir fait sienne cette analyse de la doctrine et règle en faveur du Droit des gens le conflit hiérarchique pouvant naître entre celui-ci et le droit interne. Il ressort en effet d’un avis de la Cour Permanente de Justice Internationale qu’une règle constitutionnelle ne saurait faire échec à l’application d’un traité. La Cour y affirme ceci : « Si, d’une part, d’après les principes généralement admis, un état ne peut, vis à vis d’un autre état, se prévaloir des dispositions constitutionnelles de ce dernier, mais seulement du droit international et des engagements internationaux valablement contractés, d’autre part, et inversement, un état ne saurait invoquer vis à vis d’un autre état sa propre constitution pour se soustraire aux obligations que lui imposent le droit international ou les traités en vigueur ». La suprématie du traité ou de la convention internationale sur la loi est explicitement affirmée par la Constitution de 1987. L’applicabilité des conventions internationales dépend de la qualité des dispositions en cause. Il faut en effet que ces dispositions aient un caractère auto-exécutoire ou self exécution. Le terme self exécution trouve son origine dans le droit constitutionnel des États Unis d’Amérique. 

Cette doctrine a été précisée par la doctrine en droit international. Ainsi, une disposition d’un traité serait self executing, c’est à dire auto exécutoire, si elle est conçue en des termes qui permettent de la considérer comme s’adressant non seulement aux États contractants, mais aussi, sans modification de texte, aux sujets de droit interne. Elle se prêterait alors à une application immédiate par les tribunaux internes. Par contre, ne revêtirait pas ce caractère la ou (les) disposition(s) d‘un traité qui serait (seraient) rédigée(s) en des termes qui s’adressent aux états contractants comme sujets de droit international et exigent de leur part que des mesures législatives ou réglementaires soient prises en vue de son application effective sur le plan du droit interne. Il s’ensuit que l’applicabilité directe d’un traité, c’est-à-dire son caractère self executing, peut être totale si la rédaction de toutes ses dispositions obéit à la qualité tantôt définie, ou partielle. Ainsi, de manière implicite, le droit haïtien reconnaît le plus souvent aux dispositions conventionnelles un caractère auto-exécutoire. Enfin, parce que les instruments internationaux ont un caractère d’ordre public, le juge national doit appliquer leurs dispositions d’office quand bien même le requérant ou son Conseil ne les aurait pas évoqué au soutien de leur argumentaire.Les traités et conventions internationales doivent être respectés, même lorsqu’une loi contraire à ces textes est adoptée. Haïti a ratifié un certain nombre de traités internationaux en matière d’administration . Le pays est membre de l’Organisation des Nations Unies, puisqu’il a ratifié sa Charte le 24 octobre 1945, et à l’instar des autres États, il est obligé de respecter les droits consacrés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Haïti est également un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, puisqu’il a adhéré à cet instrument le 6 mai 1991. Ce Pacte reprend et précise les dispositions de la Déclaration universelle . Les États membres de l’OEA, comme c’est le cas pour Haïti, doivent respecter et garantir les droits fondamentaux de toutes les personnes . Le respect des droits humains est un principe fondamental de l’Organisation, qui guide les actions de tous ses États membres.

Conformément à l’article 3 de la Charte de l’Organisation des États Américains, ratifiée par Haïti le 28 mars 1951, « les États américains proclament les droits fondamentaux de la personne humaine sans aucune distinction de race, de nationalité, de religion ou de sexe. » Les droits fondamentaux de la personne humaine sont également mentionnés, entre autres, dans le Préambule et aux articles 17, 45, 47 et 49 de la Charte ainsi qu’aux articles qui traitent du rôle de la Commission, en tant qu’organe principal pour la promotion et de la protection des droits de l’homme dans le Continent. Les États membres ont précisé les droits auxquels se réfère la Charte en termes généraux, d’abord dans la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, puis en adoptant la Convention américaine relative aux droits de l’homme. La République d’Haïti a adhéré à la Convention américaine le 27 septembre 1977 et elle a accepté la juridiction obligatoire de la Cour inter américaine des droits de l’homme le 20 mars 1998.

Les lois ensuite qui sont la source la plus importante quantitativement de la légalité. C’est presque une tautologie de dire que la loi est l’une des principales sources de la légalité administrative. L’idée est que la loi représente la volonté de la nation et qu’elle ne saurait, par conséquent, être remise en cause. La Constitution de 1987, en son article 111, accorde compétence au Parlement pour faire des lois « sur tous les objets d'intérêt public ». Élaborer et voter des lois constituent l'essence même de la fonction législative. Donc, légiférer est une compétence constitutionnelle du Parlement. En d'autres termes, la loi est essentiellement l'oeuvre du Parlement, puisque ce dernier est l'organe de confection de la loi. Toutefois, le pouvoir d'initiative législative est partagé entre le Pouvoir Exécutif et chacune des deux Assemblées composant le Parlement.

Il y a ensuite le pouvoir réglementaire, c’est-à-dire le pouvoir pour l'exécutif de prendre des actes exécutoires comportant des dispositions générales et impersonnelles. Il existe deux types de pouvoir réglementaire : le pouvoir réglementaire d'exécution des lois ; le pouvoir réglementaire d'édicter des règlements autonomes .

En Haiti il n'y a qu'un pouvoir réglementaire d'exécution des lois . Conformément à l’article 159 de la constitution « le premier ministre à le pouvoir réglementaire, mais il ne peut jamais suspendre, ni interpréter les lois, actes et décrets, ni se dispenser de les exécuter. Le pouvoir réglementaire permet au Premier ministre de proposer des Règlements d’application destinés à assurer l’exécution des lois et le bon fonctionnement de l’administration publique. Il n'y a pas, sauf exceptions très rares, de pouvoir réglementaire autonome en Haiti ( citons le rôle exercé par le président de la république en matière de salaire minimum ). Le pouvoir réglementaire s'exerce par voie de décrets. Un décret est un acte exécutoire, qui peut être de portée générale ou individuelle, pris par le président de la République ou par le Premier ministre. Dans la hiérarchie des normes, le décret se situe en dessous des lois auxquelles il doit nécessairement être conforme, mais il est supérieur aux arrêtés.

La décision administrative doit aussi respecter les principes généraux du droit dégagés parfois par le juge administratif et qui ont une valeur supérieure aux normes administratives. Les Principes généraux du droit sont des règles non-écrites de portée générale qui ne sont formulées dans aucun texte mais que le juge considère comme s'imposant à l'administration et à l'Etat et dont la violation est considérée comme une violation de la règle de droit. Ils répondent à trois critères : ils s'appliquent même en l'absence de texte ; ils sont dégagés par la jurisprudence ; ils sont "découverts" par le juge à partir de l'état du droit et de la société à un instant donné, comme étant sous-jacents dans un état du droit existant. "Ils ont force obligatoire pour l'administration. Un acte administratif qui a méconnu un tel principe peut faire l'objet d'une annulation et/ou entraîner la mise en cause de la responsabilité de l'administration. On doit souligner aussi que les PGD sont utilisés par le juge dans l'interprétation de certaines lois. Voici quelques exemples de Principes généraux du droit fondés sur l'égalité : Egalité des usagers devant le service public, Egalité devant l'impôt, Egalité devant les charges publiques, Egalité d'accès des citoyens aux emplois publics, Egalité de traitement entre fonctionnaires d'un même corps.

Enfin, au sein même des actes administratifs, il existe une hiérarchie : les normes réglementaires ont une valeur supérieure à celle des actes individuels (ex : arrêté de nomination). De plus, pour un même type d’actes, celui qui émane de l’autorité administrative supérieure l’emporte.

L'EXISTENCE DE JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Pour sanctionner l’illégalité d’un acte administratif et l’annuler, il existe deux types de contrôles : le contrôle administratif, exercé par l’auteur de l’acte lui-même ou son supérieur hiérarchique, et le contrôle juridictionnel exercé par le juge administratif. Le processus de mise en place du dualisme juridictionnel a commencé avec le décret du 23 septembre 1957 qui a créé la Cour supérieure des comptes avec des attributions juridictionnelles d'ordre financier pour contrôler le budget . Puis, un décret du vingt-et-un (21) janvier 1959 a renforcé ce processus avec ses articles 31 et 30 en faisant de la Cour supérieure des comptes juge de droit commun pour tout ce qui concerne l'exécution des contrats administratifs et pour tous les conflits qui peuvent s'élever entre l'Etat et les personnes physiques ou morales lors de l'exécution des contrats. La loi du 6 septembre 1982, définissant l'administration publique nationale, la Constitution du vingt-sept (27) août 1983 a changé , article 154, l'appellation de Cour supérieure des comptes en celle de Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) et le décret du 4 novembre 1983 portant organisation et fonctionnement de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, ont conféré à cette Cour la connaissance des recours en réparation à l'occasion des dommages résultant des
activités des services publics, de l'état ou des collectivités territoriales ainsi que des recours formés par les agents de la fonction publique contre les décisions de l'administration. La Constitution de 1987 puis un décret du 23 novembre 2005, Moniteur du 10 mars 2006, sur le fonctionnement du CSCCA ont confirmé et étendu le dualisme juridique et donc le rôle juridictionnel de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif qui fut appelée à connaître des litiges mettant en cause l'Etat et les collectivités, l'administration et les fonctionnaires publics, les services publics et les administrés (art. 200 à 201). Il était aussi prévu que soient créés non seulement les tribunaux financiers et administratifs de première instance , décret du 4 novembre 1983 susdit (art. 42), et une Cour suprême administrative. Comme souvent en Haiti le législateur ne s'est pas préoccupé de la mise en place de sa réforme dans sa totalité . Nous examinerons l'organisation de la cour et les types de recours possibles .

L’article 7 du décret du 22 novembre 2005 crée les chambres financières et les chambres administratives. Les chambres financières ont compétence pour les finances publiques. Les chambres administratives font office du contentieux administratif. Plus précisément les chambres administratives connaissent :
a) des recours formés par les contribuables contre l’administration fiscale en application des lois se rapportant aux impôts directs ;
b) des conflits qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution des contrats qui lient l’Etat et les Collectivités Territoriales à des tiers ;
c) des recours exercés par les Administrés contre les décisions des Autorités administratives d’Etat ou locales pour détournement ou excès de pouvoir ;
d) des recours en réparation à l’occasion de dommages résultant d’activités de services publics d’état ou des Collectivités locales ;
e) des recours formés par les Agents de la Fonction publique d’Etat, des Agents des Collectivités territoriales ou des Agents à statut particulier contre des décisions
faisant grief ;
f) des litiges opposant l’Etat et les entités décentralisés techniquement ou territorialement sur requête de l’une ou l’autre des parties, requête individuelle ou
collective.
g) Des litiges entre elles les entités décentralisées techniquement ou territorialement, sur requête individuelle ou collective;
h) Des recours contre des actes de police administrative posés par les Maires, les Délégués et la section concernée de la Police Nationale d’Haïti dans l’exercice de leurs fonctions ;
i) Des litiges concernant de personnes privées chargées d’un service public ;
j) Du traitement d’actes dits détachables par application des actes de l’Exécutif à portée internationale ;
k) Des recours suscités par tous les autres actes relevant de la compétence de la Cour.

La juridiction administrative est saisie toutes les fois qu’une personne se sent, d’une manière ou d’une autre, lésée dans ses droits. Les Arrêts rendus en Chambres Administratives portent sur l’annulation, la réformation ou la confirmation des actes administrations découlant des situations spécifiées précédemment . Les jugements sont exécutoires dans les quatre jours francs suivant leur prononcé . Elles sont signifiées par exploits d’huissiers.Ce sont des jugements en dernier ressort . De ce fait, ils ne peuvent que faire l’objet d’un pourvoi en cassation (article 10). De prime abord, un tel pourvoi sous-entend que le juge de cassation aura à connaître surtout de l’illégalité de la décision et, le cas échéant, renvoyer l’affaire devant la juridiction compétence . Les articles 178 et 178-1 de la Constitution apportent un « démenti formel » et le décret du 22 novembre 2005 en son article 12 reprend en termes clairs et renforce les dispositions constitutionnelles susmentionnées : « tous les recours exercés par-devant la Cour de Cassation en matière administrative et financière sont réputés: « Affaires Urgentes »et la Cour de Cassation ne prononce pas de renvoi et statue au fond ». Dès lors, il y a « ordonnance nouvelle ». Le pourvoi en cassation peut s’interpréter, dans une certaine mesure, comme «une instance d’appel ».

Il existe plusieurs types de contentieux :

Le contentieux de l'annulation: Ce contentieux regroupe les requêtes en annulation d'un acte administratif unilatéral et on parle de « contentieux de l’excès de pouvoir
Le contentieux de l'interprétation et de l'appréciation de légalité : Dans ce contentieux il est demandé au juge de préciser le sens d’un acte administratif ou de dire s’il est légal ou illégal. Mais non, dans ce dernier cas, de l’annuler. A priori, ce contentieux est alimenté par les « questions préjudicielles » posées par le juge judiciaire sur un acte administratif qu’il doit appliquer et qu’il est incompétent pour apprécier. En effet, les tribunaux judiciaires n’appliquent les actes administratifs (arrêtés et règlements) que pour autant qu’ils soient conformes aux lois . Cependant, avec la possibilité de pourvoi en cassation contre les décisions du juge administratif, le contentieux de l’annulation et de l’appréciation de légalité pourrait s’avérer,d’une certaine manière, « in opérationnel ».

Le plein contentieux: Tous les litiges ne relevant pas des précédentes catégories relèvent du plein contentieux. C’est un contentieux « fourre-tout » ou l’on range les litiges ne pouvant appartenir aux contentieux ci-dessus mentionnés. On l’appelle également le contentieux de l’indemnisation» , car c’est le seul contentieuxou le juge peut condamner l’administration à verser une indemnité au requérant. Les principales composantes du plein contentieux sont le contentieux des contrats administratifs et celui de la responsabilité administrative.

Le contentieux de la répression: ce sont des litiges ou l’administration demande au juge de prononcer une peine contre une personne privée qu’elle poursuit.

L'introduction de l'instance est le point de départ de la procédure. En effet, le décret du 4 novembre 1983 en son article 25 dispose que:« en matière contentieuse, la Cour est saisie soit personnellement soit par mémoire, soit par requête signée d’un avocat régulièrement inscrit aux barreaux de la République». Il s’agit, au fait, d’une simple lettre adressée au greffe de la juridiction. La requête (ou mémoire) doit tendre à contester, sauf exceptions en matière des travaux publics notamment, une
décision de l’administration. Il s’agit là de l’une des particularités essentielles du contentieux administratif : la règle dite de la décision préalable . Elle signifie concrètement qu’on ne peut saisir utilement la Cour que pour la contestation d’une décision « définitive » de l’administration. La règle dite de la décision préalable irrigue la procédure administrative contentieuse. Elle soumet, sauf en matière de travaux publics, l’introduction des recours des justiciables devant les juridictions administratives, à l’existence d’une décision administrative préalable, que le recours introduit tend à contester. l’absence de décision préalable entraîne l’irrecevabilité de la requête. L’existence de cette décision présente en conséquence un enjeu important pour le requérant, le contraignant, lorsque aucune décision administrative n’existe, au moment où il souhaite introduire son recours, de provoquer l’existence d’une décision, en adressant un courrier à l’administration. Ainsi, passé un délai de deux mois, l’administration est réputée avoir pris une décision implicite de refus . Une telle situation habilite l’administré à se saisir de la juridiction du juge administratif. En tout état de cause, l’administré dispose, aux termes de l’article 31 du décret du 4 novembre 1983, de 90 jours à compter de la date de la notification de la décision pour intenter un recours.

Pour terminer quelques indications sur le parquet et l'action en référé . L’article 37 du décret du 22 novembre 2005 pose en règle « la présence du Ministère Public auprès de la Cour pendant les instances juridictionnelles. Il s’agit d’un certain nombre indéterminé mais déterminable par la nature de l’affaire d’agents l’Exécutif. Le Ministère Public, entre autres fonctions, expose à la juridiction les questions soulevées par le litige et développe ses conclusions sur les circonstances de fait et les règles de droit applicables en proposant une solution au litige (art. 39). Pour l’essentiel, la fonction de Ministère Public auprès de la CSC/CA est la même que près les juridictions judiciaires. Et, comme de fait, il se veut garant de l’intérêt général. L’article 44 du dit décret précise que « les membres du Parquet sont nommés par arrêté du Président de la République sur recommandation du ministre chargé des Finances ». Ainsi nommés et n’étant pas des magistrats, ils ne jouissent pas forcément des protections et garanties dont fait état l’article 9. Par ailleurs, l’article 43 dudit décret dispose que « le Parquet n’est pas habilité à exercer directement des missions de contrôle et de vérification. Dans tous les cas, il s’en remettra à la Cellule d’Instruction et de Vérification, pour les suites nécessaires». Cela étant, les subtilités d’un dossier peuvent échapper au juge instructeur ; auquel cas, les conclusions du Parquet,risquent de ne pas être très édifiantes pour l’affaire. La dépendance du parquet paraît, d’une certaine manière, liée au statut des membres . Ils ne sont pas des magistrats. Alors, l’opportunité de leur fonction près de la cour en semble mal se définir. Les attributions du Ministère Public ne semblent pas être profitables aux droits des administrés, encore que le prodige de son intervention se limite aux justiciables mentionnés à l’article 39 du décret du 22 novembre 2005.

Le référé administratif existe . L’administration jouit du privilège de la « décision exécutoire » Plusieurs raisons l’expliquent. Elles tournent essentiellement autour du principe de continuité de l’action administrative. Pourtant, dans des cas où l’acte administratif regorge d’un abus manifeste de pouvoir,s’apparentant même à une véritable « usurpation de pouvoir », un recours est possible . Il est dit« référé ». Il consiste, en effet, en un sursis à exécution prononcé soit par le juge des référés des tribunaux ordinaires soit par la CSC/CA si l’acte est manifestement illégal ou de nature à léser de manière « irréparable » les droits de l’intéressé.

CONCLUSION
Alors qu'on pouvait en douter, Haiti a un droit administratif. Malheureusement , il n'est pas très utilisé par les administrés . Les acteurs haïtiens considèrent le plus souvent que la décision de l'état et plus généralement des organismes publics s'impose et il ne leur vient pas l'idée qu 'une décision administrative puisse être annulée par le juge . C'est un grave dysfonctionnement du système politique qui se veut démocratique . Pour qu'il soit mieux utilisé il est indispensable qu'il se renforce car il présente de nombreuses insuffisances qui nuisent incontestablement à son efficacité Le droit administratif étant un droit jurisprudentiel , juges et doctrine doivent multiplier leurs actions pour qu'il se renforce et devienne un des piliers de la démocratie . 

Wednesday, July 15, 2015

Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes …? Par Mirlande Manigat


Mirlande Manigat
Ancien candidat à la présidence 
Il y a un peu plus de quatre ans, les compatriotes qui m’avaient soutenue dans le combat pour être élue à la Présidence de la République et moi-même, nous avions appris avec stupéfaction, incrédulité et colère que, contrairement à toutes les informations recueillies et  confirmées par de sérieux sondages effectués, ce n’est pas moi qui avais été élue, mais mon compétiteur. Les résultats complets, indiquant, comme il est d’usage et comme le commandent les normes, des éléments de calcul et d’appréciation tels que le nombre d’inscrits et de votants, des votes nuls et blancs n’ont pas été rendus disponibles, mais on a eu la trouble élégance, dans la précipitation du complot, de m’accorder le même nombre de voix que j’avais obtenu au premier tour.

Contre l’avis de mes collaborateurs, je n’avais pas contesté ce résultat, car j’estimais inutile d’essayer de changer une décision qu’une coalition entre des forces nationales et internationales avaient rendu telle. Telle elles la voulaient, telle elles l’ont eue. Ce n’est pas sans amertume que, sans accepter ce verdict, j’ai gardé le silence et, dans la discrétion de mes réflexions, j’ai estimé que je pouvais servir ma patrie sans être Présidente de la République.

Je savais que ces résultats annoncés avec une indécente fanfare de satisfaction aveugle et sourde étaient faux. J’étais tenue au courant des équipées nocturnes du Président du CEP au Centre de tabulation, mais je ne pouvais pas anticiper qu’une ultime visite qui a échappé à la vigilance d’observateurs indépendants, scellerait finalement  l’issue du scrutin. Je l’ai su le matin même, mais déjà les jeux étaient faits, le champagne chambré, les lampions allumés et la danse des satisfaits entamée, même avec  malaise chez certains. Ce tintamarre a étouffé les protestations car il y eut tout de même des patriotes pour refuser d’accepter cette évidente iniquité. Mais d’autres se sont empressés d’aller à la soupe  rapidement mijotée par le nouveau pouvoir.

La candidate malheureuse aux élections de 2010
Pendant quatre ans, j’ai assumé sérieusement mes responsabilités d’enseignante et de Secrétaire Générale de mon parti, le RDNP. Ces occupations ont représenté une espèce de catharsis qui m’a fortifiée. J’ai réussi, non sans peine, à ravaler mon amertume, transformant d’ailleurs ce sentiment normal en une sereine lucidité et à travers un comportement en accord avec mes principes. Entre-temps, j’avais accumulé des témoignages qui confirmaient ce que nous savions déjà, que les résultats représentaient une véritable arnaque effectuée non seulement contre moi, mais contre la démocratie et l’état de droit.

J’ai personnellement entendu comme bien de compatriotes, les aveux de Monsieur Pierre Louis Opont admettant publiquement, sur une station de radio, que les résultats qu’il avait réunis et soumis il y a quatre ans n’étaient pas ceux qui avaient été publiés. A la question du journaliste qui a cherché à savoir pourquoi, à ce moment là il n’avait pas protesté, au nom de la vérité, il a répondu qu’il était un fonctionnaire public à l’époque et donc soumis à un étrange devoir de réserve, qu’il craignait qu’un résultat contraire mais correspondant à la vérité des urnes, pût entraîner des troubles violents. Et poussant l’outrecuidance, il a  poursuivi, à la manière de Ponce Pilate, qu’il y avait une sorte de consensus entre le perdant et le gagnant ! Je ne sais ce qui m’a le plus renversée, l’aveu ou ce mensonge éhonté relatif à une quelconque entente entre compétiteurs. Comme quoi, j’aurais à l’avance accepté la défaite moyennant, sans doute dans son esprit, quelque compensation. C’est ajouter la calomnie au mensonge.

On m’a conseillé de réagir par la loi, comme c’est mon droit, de l’attaquer en diffamation, au mieux, d’engager une sommation pour exiger au moins la notification écrite de ces résultats falsifiés. Je dois dire que j’ai été tentée de le faire, pour la vérité et pour l’histoire, mais j’y ai renoncé, non par faiblesse car tous ceux qui me connaissent savent que je ne manque ni de courage ni de calme combativité, mais par une espèce de lassitude attristée non quant à l’issue d’une action judiciaire, mais à son inanité. Dans n’importe quel pays normal, et je ne pense pas seulement aux grandes puissances, mais par exemple, à nos voisins de la Caraïbe anglaise, ce Monsieur ne devrait pas se trouver actuellement à la tête du CEP et, de toute façon, après une telle déclaration, l’action publique aurait dû être mise en mouvement avec, comme conséquence, l’annulation purement et simplement des résultats publiés avec toutes leurs conséquences, sur la base des preuves imparables qu’il devrait fournir à une instance judiciaire.

Ma froide réaction devant la confirmation de ce que je savais déjà est le renforcement de ma lucidité en ce qui concerne le délabrement moral de notre pays. Il n’y a pas de nom pour qualifier un tel acte. Mais je voudrais demander à Monsieur Opont pourquoi il a décidé de dévoiler ce secret de polichinelle au lieu de l’emporter avec lui dans un au-delà que je lui souhaite rédempteur ? Je n’ose croire que c’est pour m’accorder une espèce de réparation morale rétrospective dont je n’ai guère besoin, à moins que ce ne soit l’effet d’un remords après coup ? En tout état de cause, mes principes ne me portent pas à tirer une quelconque satisfaction de cet aveu qui ne comportait d’ailleurs pas des accents de contrition. Une étrange banalité, comme une information sans conséquence.

Mais je m’adresse à tous ceux qui sont engagés, malgré tout, pour le meilleur et pour le pire, dans la compétition électorale à tous les niveaux, qui ressemble bien à "une chronique d’une mascarade annoncée".

Vous avez déjà constaté combien le CEP actuel se comporte avec un incroyable manque de sérieux et de professionnalisme dans la gestion des candidatures. Prenez garde : vous lui faites confiance si j’en crois des déclarations bien imprudentes. Tachez de prendre toutes sortes de précautions et il faudrait que celles-ci soient cohérentes et surtout coordonnées, car il n’est pas sûr que les résultats qu’on enfournera éventuellement dans votre conscience seront les vrais, authentiques et inattaquables.

Au moins, que la déclaration de Monsieur Pierre Louis Opont serve de leçon à la collectivité en général et aux candidats en particulier.

Mirlande Manigat
14 juillet 2015