12 janvier, 2016
Notre société est comme une machine à produire de la frustration
et des inégalités.
Clarens Renois Candidat à la Présidence (2015) |
2016 a commencé dans
la plus grande confusion au plus haut sommet de l’état. Les premières décisions
prises par les autorités ne laissent la place à aucun doute sur la nature des
nombreuses difficultés qui vont s’étaler tout le long des douze mois de cette
nouvelle année et au-delà. Car, il ne faut pas l’oublier chaque acte que nous
posons aujourd’hui va avoir inexorablement des conséquences sur notre vie à
court et à moyen terme.
Prenant tout le monde
de court, le président de la République annonce, le 1er janvier que le second
tour de l’élection présidentielle allait se tenir le 17 du même mois.
Trois jours plus tard,
le Conseil électoral jette un pavé dans la marre. Il dit clairement que
l’élection n’est pas possible le 17 janvier, « elle ne permettrait pas de
respecter les échéances constitutionnelles du 11 janvier et du 7 février ».
(Respectivement entrée en fonction du nouveau Parlement et investiture du
président élu)
Panique ! Le président
convoque une réunion urgente et obtient quelques heures plus tard que le CEP
organise les élections une semaine plus tard soit le 24 janvier.
Cette annonce suivie
de la publication dans le journal officiel de la liste des parlementaires élus
est venue exacerber une situation politique déjà pourrie que les élections
contestées d’aout et d’octobre 2015 ont léguée à 2016.
Décider de poursuivre
un processus électoral décrié, contesté et critiqué par une Commission
d’évaluation présidentielle, c’est prendre le risque d’enfoncer le pays dans la
division, c’est accentuer les frustrations et les fractures engendrées par des
élections qui finalement sont considérées comme les pires que le pays ait
organisées durant cette expérience démocratique désormais trentenaire
(1986-2016).
Paradoxalement, la
décision du président Martelly et de l’administration du Premier ministre Évans
Paul de poursuivre le processus électoral semble faire l’affaire de la
communauté internationale, les États-Unis en tête, totalement sourde aux
complaintes des Haïtiens.
Preuve que c’est la
position de la communauté internationale qui prévaut en Haïti : sa position a
été choisie au détriment des recommandations de la commission formée par le
président de la République Michel Martelly qui, en dépit des critiques, a
fourni des pistes de solutions à la crise enfantée par les élections.
La commission a
suggéré que le CEP soit remanié pour recréer la confiance et plus important : «
Qu’un dialogue politique » soit entrepris entre les différentes forces
politiques du pays avant même de relancer la machine électorale.
Ce n’était pas l’avis
de la communauté internationale qui entre-temps a clairement ordonné aux
autorités haïtiennes d’aller au bout, jusqu’au bout. Après la visite en Haïti
de deux émissaires américains, le président signe l’arrêté convoquant le peuple
aux urnes le 24 janvier.
Mais voilà que le
candidat Jude Célestin tiraillé de tous les côtés se dérobe à la courtisanerie
et à l’adulation de la communauté internationale. Célestin dit non au second
tour. « Pas avec ce CEP », a répété son conseiller politique.
Dès lors, l’autre
concurrent Jovenel Moïse s’est-il donc retrouvé dans une campagne solitaire. Si
le scrutin devait se tenir le 24 janvier, Moïse serait tout bonnement
plébiscité. À quoi bon donc tenir des élections avec un seul candidat ? Le 24
janvier n’aurait pas sa raison d’être.
Comment imaginer une
finale de coupe du monde de football sans les deux finalistes ?
Depuis le premier jour
de l’année, le pays est couvert de rumeurs les unes plus insensées que les
autres. Des informations, commentaires et « zen » affolent les réseaux sociaux
qui vont vite n’étant pas tenus aux mêmes rigueurs de traitement que la presse professionnelle.
Pour ne pas les citer,
on note que certaines rumeurs donnent le Premier ministre Évans Paul sortant
(sur le départ) après avoir été humilié par le couple présidentiel. La vérité
est à chercher dans une autre démarche attribuée au pouvoir. Il serait sur le
point de désigner un nouveau Premier ministre tout en cherchant à contrôler les
nouveaux bureaux du Parlement.
Quoi qu’il en soit,
les jours de Michel Martelly au pouvoir sont comptés. La question maintenant
est de savoir qui sera à la tête du pays à partir du 7 février ?
Il s’en va et nous
laissera dans la crise, heureux d’avoir réalisé son rêve personnel. Lui, le
garçon infréquentable de Pétion-ville, pour rappeler les propos de son
ex-mentor Daniel Supplice. Il a réussi pour lui et pour ses proches à accomplir
un mandat présidentiel là où les professeurs d’histoire, politologues émérites
ont échoué. Martelly a réussi en tout. Être reçu par le pape, des rois et les
plus grands chefs d’État du monde. Intervenir à la tribune de l’ONU, parler
dans les plus grands forums internationaux. Quel exploit pour un amuseur
grivois ! Il peut préparer son bilan personnel en regardant son portrait dans
la galerie des chefs d’État. Il repartira avec la satisfaction d’avoir mis tant
de personnalités à ses pieds, mais il nous laissera dans la crise. Martelly est
arrivé à la faveur d’un séisme, il repartira en laissant un séisme.
Quoi qu’on pense, la
crise qui secoue le pays aujourd’hui n’est pas celle du quinquennat de
Martelly. C’est la crise de la classe politique. C’est la crise de toute la
société.
La situation que
Martelly nous laisse est la somme des erreurs politiques commises depuis plus
de 50 ans. C’est la responsabilité de toute la classe politique qui doit y
faire face et trouver des solutions pour permettre à Haïti de se relever de
tant de malheurs.
Par ces temps de défis
L’un des plus grands qui se présente à nous c’est celui du « vivre ensemble »
en évitant d’introduire la communauté internationale dans la gestion de nos
problèmes internes. Il faut en tout rechercher les intérêts d’Haïti d’abord.
Rechercher ce qui nous rassemble pour avancer ensemble. Nous devons après une
introspection et un mea culpa nous regarder dans les yeux et nous dire : «
Après tout, nous devons, nous allons travailler ensemble ».
Nous ne devons pas
oublier que le soutien de la communauté internationale ne sera qu’éphémère,
passager, circonstanciel parce que lié aux intérêts des pays qui la composent.
Le soutien de la
communauté internationale ne dure jamais. Tôt ou tard, elle, la communauté
internationale, vous abandonnera comme elle avait lâché les Duvalier après les
avoir soutenus pendant trente ans.
Il suffit de regarder
avec lucidité les bouleversements que le monde connaît depuis cinq, six ans
pour comprendre les nouvelles donnes de la géopolitique des grandes puissances.
La chute de Kadhafi en Libye, le renversement de Saddam Hussein en Irak, bref
le printemps arabe nous donne l’occasion de voir des dictateurs soutenus par
des pays étrangers et lâchés par ces mêmes pays pour des raisons pas souvent
expliquées à l’opinion publique.
Et Haïti dans tout
cela ? C’est la réflexion que nous devons faire en ce début d’année 2016. Notre
intérêt est-il lié à telle ou telle campagne électorale qui se tient chez nos
puissants voisins du nord. Notre intérêt est-il dans la victoire de tel ou tel
camp aux États-Unis ?
Et Haïti dans tout
cela ? Nos dirigeants doivent comprendre en fin que notre intérêt national ne
sera jamais ailleurs, qu’ici.
C’est la seule
condition pour préparer mieux l’avenir de nos enfants.
Clarens Renois
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