Au pays du réalisme merveilleux et d’Albert Buron, aucun miracle
n’est impossible. Lundi, les délais étaient trop courts pour mener à bien les
élections dans le respect des échéances constitutionnelles si on les tenait le
17 janvier 2016, avait écrit le Conseil électoral au président de la
République. Mardi, après un huis clos productif, les deux parties s’entendent :
on repousse le scrutin d’une semaine, on le programme pour le 24 janvier et on
sera dans les temps pour que tout se passe à temps, a écrit le même signataire
de la lettre de la veille.
Il faut dire qu’entre-temps, les grands amis d’Haïti ont montré
leurs crocs. Pas question de leur faire perdre la face, pouvait-on lire entre
les lignes dans les communiqués du Core Group et de l’Union européenne. Ils ont
misé gros. Les élections ne peuvent qu’aboutir. Les yeux fermés. Les oreilles
bouchées. Au forceps, s’il le faut. Sans les Haïtiens, si nécessaire. Mais on y
va.
La présidence comme les membres du Conseil électoral ont vu ces
dernières heures le spectre grimaçant de la débâcle d’une machine bien huilée
qui réalise ce qu’ils présentent comme les meilleures élections jamais tenues
dans le pays. Alors, pour ne pas faire mentir de si belles déclarations, le
pouvoir exécutif et le pouvoir électoral ont décidé de se serrer les coudes et
de la jouer jusqu’au bout. Il y aura donc des élections per fas et nefas, comme
disait si bien un ministre de l’Intérieur fort compétent en organisation de
scrutin du temps de Jean-Claude Duvalier.
Bien entendu, les élections demeurent la moins périlleuse des
façons de changer de gouvernement en Haïti. On s’en rend compte à chaque fois
que l’on prend des chemins de traverse en flirtant avec les coups d’État, de
force ou les transitions improvisées. Mais est-ce une raison de tout faire de
travers et dans la précipitation comme cela se vit depuis le 9 août et
s’annonce pour les jours à venir ?
L’incertitude est la seule certitude en Haïti ces temps-ci. Nous
avons été rarement aussi près du recours à la violence pour imposer un choix
politique depuis dix ans. Car, ne nous leurrons pas, si cela ne passe pas en
douceur comme tout le laisse prévoir, la communauté internationale et le
président Michel Martelly devront imposer leur solution en noyant les
contestations.
Alors que tout indique que
les recommandations de la Commission d’évaluation électorale indépendante
s’éteignent lentement, les résultats des législatives ont été publiés mardi
soir. L’arrêté convoquant le peuple dans ses comices est en écriture. Deux ou
trois mesures cosmétiques pour laver les laideurs du CEP sont en couture. Les
bien informés, ceux qui savent que tout arrive n’importe quand au pays d’Albert
Buron et du réalisme merveilleux, vont se taper un beau roman ces prochains
jours, en attendant l'apothéose le 7 février, jour qui coïncide avec le premier
jour gras et l'intronisation du prochain président de la République.
Source : Le Nouvelliste
Frantz Duval duval@lenouvelliste.com
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