L'ex-consul Justin Viard |
L’étau se resserre autour de Justin Viard quelques semaines après la nouvelle de sa surprenante révocation et son remplacement par l’actuel Chef de poste a.i. Kurdy Larèche. Les trois années de règne de M. Viard au Consulat Général d’Haïti à Montréal auraient été marquées par des infractions d’une gravité sans nom. Sous le sceau de l'anonymat, plusieurs sources concordantes, proches de la diplomatie haïtienne, en Haïti et au Canada, nous ont révélé que sa gestion serait entachée «d’irrégularités flagrantes, de détournements de fonds, d’enrichissement personnel, de gabegie administrative, d’insubordination, voire d’usurpation de titre, etc.».
Inscrit dans le cadre d'une campagne anti-corruption au sein des ambassades et consulats, un audit a été commandé et réalisé par des enquêteurs dépêchés récemment à Montréal par la chancellerie haïtienne pour vérifier l’exactitude des faits allégués contre M. Viard. Et selon les informations dont nous disposons en exclusivité, tout porterait à croire que les conclusions de cet audit risquent d’être défavorables à l'endroit de l'ex-Consul. En effet, plusieurs transactions douteuses, irrégulières, voire fictives, à coup de milliers dollars, ont été faites, non pas, via le compte bancaire institutionnel du Consulat, mais à partir du compte personnel de Justin Viard (Consultez les preuves).
9 800$ perçus au nom de La Tohu
À commencer par la Tohu au profit de laquelle M.Viard prétend avoir émis un chèque de 9 800$ en date du 9 janvier 2015, pour financer une activité liée au 5ème anniversaire du séisme en Haïti. Pourtant, ce montant pour lequel il a réclamé remboursement auprès de l’administration du Consulat au nom de la Tohu n'a jamais été encaissé par celle-ci. Imbu du rebondissement de l’«Affaire Tohu», M. Viard s'est précipité le 30 septembre 2015 en personne à la Tohu pour remettre ledit chèque en modifiant la date de celui-ci pour faciliter l'encaissement. Trouvant cela un peu bizarre, La Tohu a hésité à participer à la manœuvre et a alerté les autorités consulaires haïtiennes en date du 2 octobre dernier (Voir les correspondances).
Notons que le Consulat n’a nullement été co-organisateur de ladite commémoration. Pour preuve, dans des documents relatifs à la conception même de ce projet obtenus par Médiamosaïque, on y voit très clairement les noms des trois organismes (Maison d’Haïti, La Tohu et la Croix-Rouge Canadienne), ayant cofinancé l’activité. Dans le budget réel de l’événement, il est indiqué que la célébration en question avait été commanditée à hauteur de 2000$ par la Maison d’Haïti, de 5000$ par la Tohu et de 5000$ par Croix-Rouge Canadienne. On n’y fait aucunement mention du Consulat qui aurait offert quasiment le double des contributeurs, comme l’a prétendu Justin Viard (Voir document).
8700$ encaissés pour une «Soupe» ?
Un stratagème similaire s'est reproduit avec l’organisme «Association haïtiano-canado-québécoise d’aide aux démunis» au profit duquel M. Viard aurait émis, en date du 31 décembre 2014, un autre chèque ficitif (pour lequel il a exigé remboursement du Consulat), de son propre compte personnel, d’un montant de 8 700$ en vue de l’organisation de rien d’autre qu’un événement dénommé «Soupe traditionnelle du 1er janvier 2015», lit-on dans le libellé du chèque. Il importe de préciser que dans la soi-disant demande dudit organisme présentée par Justin Viard à la comptable du Consulat, Carline Sanon, pour remboursement, figurent les noms de Jean Robert Mainville, président et de Joseph Ducarmel vice-président. Vérification faite, ledit organisme est dirigé par nulle autre que sa présidente, Mme Felicidades Joseph. Pire encore, le papier-en-tête de la demande en question diffère de celui de l’octogénaire bien connue, Mme Joseph.
À noter que, si les 8700$ réclamés en ce sens par Justin Viard au Consulat lui ont été versés en date du 5 janvier 2015, ce dernier ne l’avait aucunement remis à son prétendu bénéficiaire. Est-ce pour brouiller éventuellement les pistes ou effet de l'audit? Curieusement, ce n’est que ce 1er octobre 2015, alors qu’il n’est plus consul depuis déjà trois semaines, que M. Viard est allé en personne remettre, soit-disant «sous forme de don», le chèque de 8700$ en question (qui était inutilisable, mais a convenu d’émettre un nouveau du même montant pour faciliter l’encaissement) à Mme Joseph.
Heureuse, cette dernière l’a rapidement déposé dans le compte de banque de son association, mais a dû, contre son gré, le rembourser, sur demande expresse des enquêteurs, en libellant un chèque de son organisme d’un montant similaire daté du 7 octobre 2015 à l’ordre du Consulat (Voir documents). Selon nos informations, Mme Joseph serait en sanglots en apprenant les non-dits de la transaction et aurait menacé de poursuivre l’ex-Consul pour faux et usage de faux. Contactée cependant au téléphone par Médiamosaïque, la présidente de l’«Association haïtiano-canado-québécoise d’aide aux démunis», qui avait organisé une cérémonie de remise de plaque d’honneur le 3 octobre 2015, deux jours après la réception du fameux «don» en guise de remerciements à ce dernier pour sa «grande générosité», n’a toutefois pas retourné notre appel avant de mettre sous presse.
Se faire payer les taxes de sa résidence privée
À titre de privilèges liés à la fonction, comme le veut la tradition, l’État haïtien offre une auto et met toujours un loyer à la disposition du Consul général. Cependant, pour être plus à son aise, l’ex-Consul avait lui-même décidé d’acheter sa propre maison. Toutefois, sous le règne de Justin Viard, ce sont les pauvres contribuables haïtiens qui ont du payer les taxes municipales de la propriété privée de ce dernier. En effet, plusieurs factures dont nous disposons copie attestent, en effet, que M. Viard a exigé au Consulat de lui rembourser le paiement des taxes de sa résidence personnelle. La transaction la plus récente remonte au 4 février 2015 où un montant de 1441,05 dollars lui a été versé en guise de remboursement par le Consulat. Même scénario en date du 7 avril 2014: un paiement de 1404,07 $ lui a été remboursé. Un autre décaissement en sa faveur d’un montant de 1404,06 dollars a été fait le 16 juin 2014 alors qu’il devrait lui-même payer ces taxes de ses propres fonds à la Ville de Montréal.
Frais en hausse et per-diem à la pelle
On apprend par ailleurs que, mis à part son salaire mensuel de 6000 US$, l’ex-consul général disposait de «frais mensuels» légalement offerts par l’État haïtien de l’ordre de 2300$, montant qu’il aurait toutefois hissé, sans l’aval de ses supérieurs hiérarchiques à Port-au-Prince, à 3000 US$. Il se ferait aussi rembourser ses tickets de contravention, peu importe le type d’infraction par le Consulat. Alors que le président haïtien, Michel Martelly, souhaitait rencontrer, pendant environ trois heures, le nouvel académicien Dany Laferrière à Port-au-Prince, sans qu’il n'ait été personnellement invité, Justin Viard a décidé d’accompagner ce dernier et a demandé, à son retour, au Consulat de lui rembourser huit (8) jours de per-diem à raison de 500 US$ par jour pour un montant total de 4 000 US$.
Objet d’une campagne de salissage?
Aux dernières nouvelles, M. Viard, dont on ignore le statut présentement au Canada, n’a toujours pas remis le passeport diplomatique qui lui a été offert par l’État haïtien. On l'aurait sommé de rendre ledit document dans les 72 heures suivant son limogeage. Ce qu’il n’aurait toujours pas fait. Pire, loin d’être un employé exemplaire, Viard aurait reçu plusieurs lettres de blâme de la part de ses supérieurs hiérarchiques dans l’exercice de ses fonctions. Rejoint au téléphone pour réagir à ces accablantes accusations, l’ex-consul général s'est borné à dire qu'il est la cible d’une campagne de salissage. Il a cependant refusé de faire la moindre déclaration enregistrée. Nos colonnes lui demeurent toutefois ouvertes au cas où il manifeste l'intention de prendre le contrepied de ces fracassantes révélations à son endroit.
Source :MONTRÉAL (MÉDIAMOSAÏQUE)
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