la tête d'Opont |
Guillotine pour Opont. Au figuré, c’est tout le « bien » que souhaite des candidats, des partis politiques… au président d’un CEP sous la mitraille des critiques mais assez « entêté » pour mettre le cap sur l'élection présidentielle, sans apporter les correctifs nécessaires après les législatives du 9 août, déjà inscrites dans les annales des pires joutes organisées en Haïti après 1986.
« Son entêtement ne date pas d’hier », affirme Edmonde Supplice Beauzile. Pour la patronne de la Fusion des sociaux-démocrates, Pierre-Louis Opont n’est pas qu’une simple tête de mule. « Il est arrogant », tance l’originaire de Belladère qui rechausse ses baskets pour crier, ce mercredi, sa colère, dans les rues, contre le CEP. Elle estime suspect le refus du CEP d’effectuer l’évaluation du processus afin d’apporter les correctifs nécessaires. Ce temps-là, celui des corrections, il est peut-être loin, redoute Edmonde Supplice Beauzile.
Sous sa mitraille tombe aussi les Tèt Kale. « Je ne vois pas comment on peut aller aux élections avec Michel Martelly au pouvoir », confie Edmonde Supplice Beauzile. Le temps pour bien faire, Michel Martelly l’a gaspillé. Sans sourciller, le numéro un des sociaux-démocrates évoque la transition politique. Il faut réfléchir avec les 10 sénateurs restants, les corps de l’Etat, les partis politiques, la société pour trouver « une formule proche de la Constitution et dire à Martelly que nous ne pouvons pas aller aux élections avec vous ».
Joël Vorbe, membre du directoire de Fanmi Lavalas, appelle lui aussi à la démission de Pierre-Louis Opont. « L’arrogance d’Opont est en train de mener le pays dans une situation non souhaitée », prévient-il, sans faire l’économie d’un appel aux secteurs ayant des représentants au sein du CEP. Il faut dialoguer, trouver des solutions consensuelles et faire des aménagements au sein du CEP si c’est nécessaire.
Pour Joël Vorbe, il est impératif d’organiser des élections crédibles, transparentes dans le pays à la fin de l’année. « Nous sommes pour des élections générales le 25 octobre », confie-t-il en marquant sa différence par rapport à ceux qui évoquent de plus en plus la mise en place d’un gouvernement de transition en vue d’organiser les élections. « La transition ne mène nulle part. C’est un mot diplomatique, voilé pour dire coup d’Etat », a dit Joël Vorbe, revenu sur l’expérience « 2004-2006 qui n’a rien apporté au pays ».
Pierre Espérance, coordonnateur du RNDDH, voit le CEP comme un tout, pas une tête. Pas une seule en tout cas à décapiter. « Quand Opont parle, il parle pour tous les conseillers. Ils sont jusqu’ici solidaires l’un de l’autre », indique le militant des droits de l’homme, très inquiet pour l’avenir d’Haïti. Jour après jour, au regard de la conduite du processus électoral, Pierre Espérance se demande si le CEP ne veut pas pousser le pays dans une crise postélectorale en coulant du plomb dans ses tympans.
Le refus d’évaluer le processus, de sanctionner à grande échelle les responsables d’exactions le jour du vote dans plusieurs départements du pays, le mode de comptage erroné, les sanctions internes et externes non encore infligées alors que le cap est mis sur la présidentielle préoccupent Pierre Espérance. Il y va de la « confiance » et de la crédibilité du CEP, souligne-t-il en marquant, d’un autre souffle, son refus net de la mise en place d’un gouvernement de transition pour réaliser les élections.
« Il y a beaucoup de problèmes sous la transition. Les institutions sont rendues encore plus faibles », avance Pierre Espérance, rejoint dans cette analyse par Rosny Desroches de l’OCID. Le « vide institutionnel complet » n’aguiche pas le numéro un de l’ISC. Il faut respecter les mandats électifs. « La transition n’est pas un scénario que j’aurai recommandé », soutient Rosny Desroches, qui croit qu’il faut apporter les correctifs nécessaires, dialoguer pour trouver des solutions aux problèmes, certains nés du mode de comptage et autres.
Le CEP doit prendre en compte les points de vue des autres, selon Desroches, trop réservé pour parler à ce stade d’entêtement de Pierre-Louis Opont. Sagesse, souplesse, recherche de consensus sont les recommandations de Rosny Desroches à tous les acteurs.
Sans dire peut-être, c’est une vérité pour Verite que Pierre-Louis Opont est un entêté. Pire, quelqu’un qui dirige un CEP et un processus électoral susceptible de conduire le pays sur les bords d’un précipice. « Personnellement, je suis préoccupé par la situation », confie Rosny Desroches, qui venait d’apprendre du journal la nouvelle. Pour sa part, Pierre Espérance qualifie de « correcte » la décision de Verite de se retirer de la course électorale. Le CEP doit avoir comme boussole le décret électoral et la Constitution. Ce qui n’est pas toujours le cas, estime Pierre Espérance.
Entre-temps, l’actualité de ce mardi aurait pu s’écrire avec un autre mot : exit. Après le remplacement des représentants de la Fusion dans le gouvernement, le ministre de Inite, Ariel Henry, a remis son tablier. Le président Martelly dispose d’une liberté d’action encore plus grande. Ce sont des Tèt Kale qui sont autour de lui et de son projet d’éviter la transition, grâce à des élections auxquelles personne n’ose accoler ces beaux qualificatifs comme crédibles, inclusives…
Source : Roberson Alphonse / Le Nouvelliste
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